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CAFÉ DE L’EST

CAFÉ DE L’EST

CAFÉ DE L’EST

CAFÉ DE L’EST

CAFÉ DE L’EST

1941-1980

1941-1980

1941-1980

1941-1980

1941-1980

Un précurseur de longue date pour les boîtes de nuit du quartier français, le Café de l’Est était l’un des établissements les plus spacieux de son genre à Montréal.

Le Café de l’Est était situé au 4558 rue Notre-Dame Est à Montréal de 1941 à 1980.1,2

Un précurseur de longue date pour les boîtes de nuit du quartier français, le Café de l’Est était l’un des établissements les plus spacieux de son genre à Montréal.3 « Tous les artistes ont travaillé au Café de l’Est…sauf les Cyniques et Yvon Deschamps » raconte madame Daniel de l’agence Grimaldi-Daniel. « Celui qui a attiré le plus les foules est, sans contredit, Olivier Guimond. Suivi de près par César et les Romains, les Beatlettes et Michèle Richard, la plus professionnelle d’entre tous ».4

L’ouverture du Café de l’Est correspond à la grande période des cabarets montréalais mais aussi à un milieu où tous les spectacles, ou à peu près, se faisaient en anglais.5

Au tout début de l’après-guerre, la majorité des cabarets de Montréal étaient concentrés dans l’ouest de la ville. Le Café de l’Est, une des premières boîtes célèbres du côté francophone était en fait l’exception à la règle. Mais les autres ne tardèrent pas à venir. Être propriétaire de cabaret, c’était avoir une mine d’or entre les mains. Les salles étaient bondées chaque soir. Mais ça coûtait des sous. C’était le bon vieux temps, les belles heures de la vie nocturne montréalaise.6

Charles Trenet a présenté son tour de chant au Café de l’Est. Les Compagnons de la Chanson ont également été invités à cet endroit. Il faut comprendre que la chanson française était à ses premiers balbutiements dans la très anglophone cité de Montréal. Il a fallu attendre jusqu’en 1948 avant qu’on ouvre au centre-ville de Montréal le premier cabaret essentiellement francophone. Il s’agissait du Faisan Doré animé par Jacques Normand, qui nous a fait connaître le duo Charles Aznavour et Pierre Roche, Monique Leyrac, Paul Berval et plusieurs autres. Le Faisan Doré a fait époque mais n’a subsisté que deux ans. C’est alors qu’on a découvert le Café de l’Est, situé dans l’est de Montréal, qui a reçu les grands de la chanson française et québécoise.4

Le populaire gérant du Café de l’Est se nommait Paul Letang. Monsieur Letang comptait déjà plus de 38 ans de service dans les clubs de nuit de Montréal, ce qui, semblait-il, lui permettait d’être en quelque sorte le doyen des gérants de cabaret de la métropole. C’est en 1910 que Paul Letang débuta comme garçon de cabaret. Ce début devait le conduire dans plusieurs autres cabarets comme gérant. Ainsi, il passa au Restor, au Café Parisien, au Queen’s, au St-Régis, au Blue Bird. Tous les grands cabarets de l’époque. Ses qualités de gérant lui valaient d’être recherché par plus d’un propriétaire de cabarets. Quelque années plus tard il fonda le Club des Millionnaires, rue St-Denis. Il quitta cette boîte en 1934 pour prendre la direction du Montparnasse. Puis il passa au Hollywood et retourna au Club des Millionnaires. En 1937, il devient gérant du Café Versailles, chic cabaret à ambiance française, rue Ste-Catherine – tant recherché par les fins gourmets – où plus d’une grande personnalité du monde artistique s’est fait applaudir. Chaque fois qu’une vedette passait par Montréal, elle était reçue par la direction du Café Versailles. C’est ainsi que Lily Pons, Lucienne Boyer, Gaby Morlay, Paulette Mauve, Jean Clément, Jean Sablon, Tino Rossi et plusieurs autres ont été les invités de monsieur Letang au cours de réceptions colossales.7

Lorsqu’il était gérant du Versailles, monsieur Letang avait un employé du nom de Léo L’Archevêque. Or, Léo L’Archevêque est l’habile propriétaire du Café de l’Est où monsieur Letang est gérant-administrateur. C’est sous ses auspices et grâce à la latitude que lui a accordée Léo L’Archevêque que le Café de l’Est s’est développé. Cette boîte était fréquentée par une belle classe de gens. Monsieur Letang était assisté par le dévoué Hector Pellerin qui ne ménageait pas, lui non plus, son énergie et expérience.7

Voici une liste partielle du personnel du Café de l’Est en 1949: Fernand Daoust, Yvon Sénécal, Johnny Petrelli, Albert Chasseurs, garçons de table; Young Marquette, chef des garçons de table; en service au bar: Roger Pépin et Elphège Guay.8

Avec sa grande salle contenant entre 500 et 600 places, le Café de l’Est pouvait recevoir les artistes les plus populaires. « Il n’y avait pas encore de Place des Arts » explique l’écrivain et historien Philippe Laframboise, « et la rue St-Denis était surtout consacrée au cinéma. Les grandes salles étaient rares et le Café de l’Est était invitant ».4

Des perceurs de coffre-forts se sont introduits au Café de l’Est en 1949 pour prendre la fuite avec le coffre-fort de l’établissement contenant la somme de $10,000 en argent. Les inconnus se sont introduits dans l’établissement en enfonçant la fenêtre de la toilette, vers les six heures du matin, après la fermeture du club, et ont ligoté le gardien de nuit comme un saucisson. Le coffre-fort contenait les recettes de trois jours, la paye des employés ainsi que celle du fameux chanteur français Charles Trenet qui était en vedette au Café de l’Est. Incapable d’éventrer le coffre-fort de 1,400 livres, les bandits ont emporté le coffre avec eux. Ils auraient volé aussi une cinquantaine de bouteilles de boisson et bu une bouteille de champagne avant de disparaître.9

Le Café de l’Est est vendu la même année à Jean-Paul (Jos) Beaudry, Roger Parenteau et William Savard.10,11  C’est ce même Jos Beaudry qui, en 1984, allait recevoir le titre de tavernier du siècle remis par l’Association des propriétaires de tavernes et brasseries du Québec. Au cours de sa vie, Jos Beaudry a possédé un total de 30 débits de boisson, des tavernes et des clubs de nuits (Café de l’Est, le Montmartre, le Havana, le Pigalle, etc). « Pendant de nombreuses années, l’ensemble de mes ventes d’alcool ont été les plus importantes au Canada. J’ai géré jusqu’à 22 débits de boisson en même temps », disait-il fièrement.12

Dans le domaine du cabaret, Montréal, au cours des années 1950, a continué d’être considéré comme l’une des villes les plus importantes en Amérique. New York et Las Vegas venaient en première et deuxième place; Montréal se classait troisième. De nombreuses vedettes du cinéma et de la télévision ont été applaudies dans la métropole en 1953. C’est Chez Parée qui a battu la marche. La direction de ce cabaret a présenté Dorothy Lamour, Frank Sinatra, Lena Horne, Billy Daniels, Peggy Lee, Sophie Tucker, Nelson Eddy, toutes des vedettes qui touchaient plus de $5,000 de cachet par semaine. Parmi les autres qui furent fort populaires auprès des noctambules Montréalais, mentionnons le Montmartre, où les spectacles de ‘’couleurs’’ étaient à l’honneur, le Mocambo, le Hale Hakala, le Domino, l’Astor, le Copacabana, l’Esquire, le Beaver, le Café du Palais, le Plaza, le Savoy, le Lido Inn, le Casino Français, et le Café de l’Est.13

Semaine après semaine, le Café de l’Est conserve sa réputation de spectacles bien montés avec une politique de nombreuses grandes stars françaises. On en est venu à se tourner vers cet établissement pour un service soigné, les meilleurs plats et boissons et une atmosphère agréablement informelle. Eddie Sanders et son orchestre de chats noirs proposaient une musique entraînant la danse. L’Oasis Lounge, un bar intime à côté de la salle principale, offrait un certain degré d’intimité et de divertissement.3

En 1955, plusieurs représentants des clubs de nuit de Montréal rencontrent le maire Jean Drapeau pour le prier de suspendre la mise en vigueur de la nouvelle loi sur les heures de fermeture. Les clubs de nuit font valoir que l’application de cette loi qui oblige la fermeture à minuit les samedis et à 2h les jours de semaine les conduira à la faillite. Jean Drapeau déclare alors qu’il ne peut nullement la suspendre: « Votre clientèle est principalement locale. Ce n’est généralement pas le tourisme qui fait vivre les clubs de nuit. De nombreuses personnes — épouses et mères — m’ont félicité dans l’application rigoureuse de la loi des liqueurs à Montréal. Ainsi, leurs maris et leurs enfants rentrent plus tôt au foyer ».14

Durant les années 1960, l’impresario Dominique Mandanice devient le propriétaire du Café de l’Est. Mandanice aide aussi à lancer la carrière de plusieurs artistes québécois dont César et les Romains, Les Gendarmes, Les Baronets et Michèle Richard.15,16,17

En 1969, on parle de la fin des cabarets.18  On peut dire que c’est l’Expo 67 qui a tout changé et qui provoqué le déclin des cabarets. Les artistes coûtaient trop cher et pouvaient également travailler à la télévision. Le déclin des cabarets ne s’explique pas seulement par la popularité de la télévision mais également par bien d’autres causes. Les danseuses à go-go, la drogue, et la violence que ça engendrait faisait peur aux gens qui ont cessés de fréquenter les cabarets.4

« Il y a une question de mode, de vogue là-dedans, disait le chanteur, comédien et humoriste Jacques Desrosiers. Quelque chose marche pendant des années, puis soudain les goûts changent. On met ça sur le dos des artistes, ont dit qu’ils chargent trop cher, qu’ils n’attirent plus les foules, mais on devrait plutôt mettre ça sur le dos de la mode. De la mode et de l’Expo 67. L’Expo a chassé les gens de Montréal vers les îles ».18

En 1971, Dominique Mandanice décide d’apporter certains changements. Au Café de l’Est, il y a maintenant 3 salles: L’Intro, qui contient 125 personnes, au premier plancher, un bar-cocktail lounge qui peut contenir 67 personnes et finalement la grande salle, celle où l’on présente les spectacles et dans laquelle on peut loger 245 personnes.19 Mandanice explique qu’avec la crise qui sévit dans le domaine du spectacle, le Café de l’Est, qui fut pendant des années un pilier du monde du spectacle, se voit obligé de changer. C’est ainsi que les garçons de table ont fait place aux jolies waitresses.20 Le Café de l’Est devient alors une sorte de discothèque.21

La principale attraction au Café de l’Est en 1971 est un spectacle que les uns qualifient de « concours amateurs » et les autres de « freak show ». La formule a été imaginée par un certain Pierre Stephanne qui avait été, jusqu’alors, une sorte de chanteur à la recherche d’un premier succès. Mais avec son « freak show », il a mis peu de temps à se faire connaître des propriétaires des boîtes de nuit. Il était l’un des rares à pouvoir se vanter d’être capable de remplir les cabarets désertés.22

Le succès du concours amateurs de Pierre Stéphanne tenait très peu à son talent: « J’ai commencé par monter un concours pour amateurs. J’auditionnais des candidats, je me faisais des listes: celle des bons et celle des mauvais. Puis, un jour je demande à ma mère de rejoindre au téléphone les participants du concours de la soirée. Elle prend la mauvaise liste. Je me retrouve, le soir, avec les artistes les plus pourris en ville. Succès énorme dans la salle. Je continue. Au bout de trois mois, je fais salle comble avec mon concours. Le patron fait des caisses de $2,000 par soir…» Ça dure ainsi pendant trois ans. Jusqu’au jour où un cabaret concurrent, [le Café de l’Est], lui offre le double de son salaire. « Je préviens les nouveaux arrivés que si jamais il y a des gens qui se moquent d’eux, ils n’ont qu’à se répéter que, les spectateurs eux, déboursent au moins $10 ou $15 pour venir les voir, tandis que vous autres, vous mettez de l’argent dans vos poches ».22

Dominique Mandanice est catégorique: « Avant que Pierre Stéphanne ne vienne présenter son concours ‘’Donnez-moi Ma Chance’’, le mardi était ma pire soirée de la semaine. Aujourd’hui, mes recettes du mardi soir dépassent celles du samedi soir. Notre clientèle a décuplé. Non seulement nous faisons salle comble mais nous devons refuser des gens à l’entrée ». D’ailleurs, le public n’est plus tout à fait celui qui fréquentait l’établissement autrefois. On y voit davantage des jeunes aux cheveux longs, des filles en maxi-manteau. Il y a bien entendu une partie de la clientèle d’autrefois et quelques personnes d’une certain âge. Mais c’est définitivement le jeune public qui mène le bal. La musique de danse (enregistrée) est choisie en fonction du goût des jeunes, le spectacle est dénué de toutes les prétentions traditionnelles.22

En juin 1973, le chanteur Jean Nichol est battu sauvagement par quatre fiers-à-bras alors qu’il quittait le Café de l’Est. On lui a même assené des coups de cendrier en plein visage. On ignore la raison exacte de cet attentat mais il semblerait que le tout ait prit naissance après qu’une jeune femme eut manifesté de l’intérêt pour le chanteur.23

Pendant de nombreuses années, le Café de l’Est était toujours plein. L’ère du cabaret était à son meilleur. Suite à l’arrivée de la télévision, il y a eu comme partout une baisse et puis est venu la mode du disco durant les années 1970, ce qui a fait que le genre de spectacle présenté au Café de l’Est a perdu du poil. Le 10 octobre 1980, le Café de l’Est change de nom à Xanadu Disco Club (1980-1988).2

En 1998, un incendie consomme l’édifice qui autrefois abritait le Café de l’Est. Il ne reste plus rien du Café de l’Est que l’on a vite oublié malheureusement. « Le Québec n’a pas l’âme conservatrice » raconte l’historien Philippe Laframboise. Avant de s’écrouler en cendres, le Café de l’Est, devenu le bar La Panthère de Nuit (1992-1993) et le bar l’Énergie (1994-1998) (un établissements associés aux Rockers; sympathisants des Hell’s Angels), avait été l’une des plus grandes et spacieuses boîtes de nuit de Montréal.4,24

CHRONOLOGIE
Club de l’Est 1931-1936 [Annuaire Lovell BAnQ]
Club Social Démocrate 1937-1941 [Annuaire Lovell BAnQ]
Café de l’Est 1941-1942 [1] (quelques mois)
Café Yvon Robert 1942-1945 [Annuaire Lovell BAnQ]   
Café de l’Est 1945-1980 [Annuaire Lovell BAnQ]
Bar Xanadu – Café de l’Est Inc 1980-1988 [Annuaire Lovell BAnQ]
Disco Club Turbo 1989-1992 [Annuaire Lovell BAnQ]
La Panthère de Nuit 1992-1993 [Annuaire Lovell BAnQ]
Bar l’Énergie 1994-1998 [Annuaire Lovell BAnQ]
SOURCES
[1] Le Café de l’est sous une nouvelle administration, Le Petit Journal, 28 décembre 1941
[2] Le café de l’est est mort, vive la disco Xanadu, Télé-Radiomonde, 26 octobre 1980
[3] Café de l’est, The Gazette, 29 janvier 1949
[4] La Presse, Jean Beaunoyer, 12 décembre 1998
[5] Les nuits de la main, André Bourassa & Jean-Marc Larrue, 1993 p.124
[6] La belle époque des nuits de Montréal, La Presse, Pierre Beaulieu, 19 janvier 1980
[7] Paul Letang a passé 38 années de sa vie dans les clubs de nuit, Le Petit Journal, 22 août 1948
[8] Ça et là, Montréal-Matin, 24 mai 1949
[9] Le gardien est ligoté, le coffre-fort emporté, La Patrie, Claude Lavergne, 10 janvier 1949
[10] J-P Beaudry et Roger Parenteau sont vos hôtes au Café de l’Est, Montréal-Matin, 19 décembre 1950
[11] Du soir au matin, Montréal-Matin, Don D’Amico, 5 décembre 1949
[12] Jos Beaudry est le tavernier du siècle, La Presse, Ronald White, 13 décembre 1984
[13] Montréal continue d’être l’une des capitales du show-business en Amérique, Le Petit Journal, Roland Côté, 3 janvier 1954
[14] Propriétaires de clubs de nuit chez M. Drapeau, Le Devoir, 20 mai 1955
[15] Poursuivis en justice, Télé-Radiomonde, 17 juin 1967
[16] Yéyé, Le Droit, 5 mars 1966
[17] Michel Pascal a soulevé l’enthousiasme, Photo-Journal, 28 janvier 1973
[18] Pour faire peut à un patron de cabaret dites: 3416, La Presse, Yves Leclerc, 17 avril 1969
[19] Les cabarets répondent aux normes…, La Presse, Jean-Paul Charbonneau, 15 septembre 1972
[20] Finis les gros noms de la chanson, Télé-Radiomonde, 23 janvier 1971
[21] Le Café de l’Est ne présentera plus de gros noms, Télé-Radiomonde, 2 janvier 1971
[22] Bienheureux les pauvres d’esprit, La Presse, Pierre Vincent, 10 février 1972
[23] Jean Nichol battu par 4 hommes, Télé-Radiomonde, 16 juin 1973
[24] Les motards remettent ça, Le Devoir, 19 mars 1997
Nous avons assemblé ce texte en utilisant les sources mentionnées ci-dessus. Les extraits sont reproduits tels quels avec modifications mineures par souci de cohésion. Nous avons traduit en français les sources provenant d’articles de journaux en anglais.