La Comédie-Canadienne a accueilli des productions marquantes, jouant un rôle central dans l’évolution du théâtre moderne au Québec.
COMÉDIE-CANADIENNE
COMÉDIE-CANADIENNE
COMÉDIE-CANADIENNE
COMÉDIE-CANADIENNE
COMÉDIE-CANADIENNE
1958-1972
1958-1972
1958-1972
1958-1972
1958-1972
Ce texte est assemblé à partir d’archives de journaux
La Comédie-Canadienne (1958-1972) était une salle de théâtre fondée par Gratien Gélinas, située au 84 rue Sainte-Catherine Ouest à Montréal, coin St-Urbain.1
Les années 1955-1965 constituent un moment capital dans le développement du théâtre montréalais et québécois. À cette époque, de très nombreuses compagnies professionnelles voient le jour, cherchent à s’approprier des théâtres, voire à aménager des lieux où donner leurs représentations. Gratien Gélinas reprend en main l’ancien théâtre Radio-Cité, qui devient la Comédie-Canadienne (l’actuel TNM).2
En 1957, le premier ministre du Québec, Maurice Duplessis, annonce la création d’un théâtre permanent dédié à la production de pièces de théâtre d’écrivains canadiens de langue française et anglaise. Le projet, chéri et promu par l’un des acteurs les plus connus au Canada, Gratien Gélinas, est rendu possible grâce à la collaboration d’une brasserie montréalaise et du gouvernement provincial. Wilfrid Gagnon, président de la brasserie Dow, achète le théâtre Radio-Cité de Jean Grimaldi au coût de $250,000 et dépense $50,000 de plus en rénovations.3
Le théâtre Radio-Cité a remplacé l’ancien Gayety, fermé après l’interdiction du burlesque à Montréal. Aucun autre théâtre à Montréal ne possédait un hall d’entrée aussi spacieux que le foyer principal du Radio-Cité. Deux autres salons, au sous-sol, complétaient les vastes espaces mis à la disposition du public à l’entracte.4 La salle avait une capacité de 1 250 sièges, dont 479 au parterre, 375 au premier balcon et 380 au second. Les loges avaient une capacité de 16 personnes.5
La Comédie-Canadienne ouvre ses portes le 22 février 1958 avec la pièce « L’Alouette » de Jean Anouilh, jouée également en anglais.6,7 C’est dans cette nouvelle salle que Gratien Gélinas proposera ses nouvelles créations théâtrales : « Bousille et les justes » ainsi que « Hier, les enfants dansaient ». On y a également vu « Les Beaux Dimanches » de Marcel Dubé ainsi que « Double jeu » et « Médium saignant » de François Loranger.8
En 1961, Gélinas comprend que les pièces canadiennes ne peuvent rentabiliser, à elles seules, une salle de théâtre de 1 250 places. Aux prises avec un déficit de $115 000, l’équipe de la Comédie-Canadienne diversifie alors ses productions pour présenter des pièces étrangères, des spectacles de danse, de chant, et du cinéma.9 Grâce à Michel Gélinas (fils de Gratien), la Comédie devient une salle de spectacle à succès.7
GILBERT BÉCAUD, ANNIE CORDY ET RAYMOND DEVOS
En 1961, la Comédie-Canadienne reçoit quelques vedettes du music-hall français comme Gilbert Bécaud, Annie Cordy et Raymond Devos.10
JACQUES BREL
Jacques Brel, en première partie de Raymond Devos, triomphe à la Comédie-Canadienne. Le numéro de Brel est sans mise en scène : il ne doit rien aux éléments extérieurs et tout à la valeur des paroles, à l’insolite de la musique, à la ferveur de l’interprète. Le pied sur une chaise, guitare à la main, Brel chante. On a l’impression d’assister à un rite.11
CHARLES AZNAVOUR
En novembre 1961, Charles Aznavour est à l’affiche à la Comédie-Canadienne. Ce qui est certain, c’est qu’Aznavour s’est grandement amélioré depuis son premier séjour à Montréal en 1948. Il est beaucoup plus sûr de lui. Aznavour, comme homme, n’a pas changé. Il est demeuré simple et affable. Il est pétillant. Ce qui surprend chez Aznavour, c’est sa facilité de passer de la tristesse à la gaieté, et vice-versa.12
OSCAR PETERSON
En août 1961, c’est avec un véritable tonnerre d’applaudissements et une rafale de bravos qu’a commencé la « Semaine du Jazz » à la Comédie-Canadienne, tenue dans le cadre de la 26e saison des « Festivals de Montréal ». La métropole était prête pour entendre du jazz. Elle avait acquis un public pour cela. La Comédie-Canadienne débordait d’une foule qui n’était pas composée d’adolescents ni d’amateurs de rock & roll, mais de jeunes gens mûrs, d’hommes sérieux, de musiciens connus, d’un public qui se rendait là en connaissance de cause.13
GEORGE BRASSENS
En septembre 1961, la Comédie-Canadienne accueille George Brassens. La critique montréalaise a souligné son succès avec des grosses manchettes. Ils ont été unanimes dans leurs louanges. Brassens a remporté auprès du public un succès imprévisible tant il a été grand.14
DALIDA
En février 1962, le premier spectacle de Dalida à Montréal sur la scène de la Comédie-Canadienne est écourté et reporté. La chanteuse est malade et forcée de rester au lit. Dalida avait attaqué tout de même la première chanson sur scène mais les malheurs commencèrent. Tout était froid, rien ne passait. Elle en chanta ainsi sept ou huit, sans jamais gagner le public. Et dans sa dernière chanson, elle s’est arrêté pour dire: « Je ne peux plus chanter. Je suis enrhumée. Il fait tellement froid. » Elle a reprit et achevé. Le rideau tomba, lourd. Ce fut la grande déception.15
MILES DAVIS
En août 1962, Miles Davis ouvre la « Semaine du Jazz » à la Comédie-Canadienne dans le cadre de la 27e saison des « Festivals de Montréal ». Le célèbre trompettiste donne un second concert le lendemain en remplacement de Sonny Rollins.16 La performance de Rollins est annulée en raison d’une infection à la mâchoire dont il est atteint et qui nécessite une intervention chirurgicale immédiate.7
GILLES VIGNEAULT
En novembre 1963, Gilles Vigneault devient le premier Canadien à tenter l’aventure du one-man-show à la Comédie-Canadienne. Le visage de Vigneault est inspiré par des forces de l’au-delà. Il vit ses chansons intensément.17
LÉO FERRÉ
En novembre 1963, Léo Ferré visite Montréal pour la première fois. Il était attendu depuis longtemps par ses fervents admirateurs et on désespérait presque de ne jamais le voir. Son tour de chant est un véritable tour de force.18
PETULA CLARK
En janvier 1965, voilà Petula Clark à la Comédie-Canadienne pour sa première visite au Canada. Du yé-yé, du vrai de vrai, une interprétation vocale parfaite, beaucoup d’énergie, beaucoup d’assurance, un joli air anglais. Un succès incontestable.19
MONIQUE LEYRAC
En décembre 1965, Monique Leyrac, dès son entrée en scène, capte l’attention puis l’admiration et l’affection de son auditoire en délire. Leyrac fait l’objet de commentaires élogieux tant par la critique que le public, séduit par le charme de cette excellente chanteuse. La versatile Monique Leyrac peut passer sans effort de l’interprétation humoristique au genre poétique.20,21
LA COMÉDIE-CANADIENNE DEVIENT PROPRIÉTAIRE DE SON ÉDIFICE
Le 24 février 1966, la corporation de la Comédie-Canadienne devient propriétaire de l’édifice qu’elle occupe depuis sa fondation.22
BARBARA
En janvier 1967, Barbara se produit devant le public de Montréal avec Serge Reggiani.23 À son piano, Barbara chante ses mots sur sa propre musique. Les notes se succèdent, les paroles s’enchaînent et les spectateurs sont entraînés dans un monde de passion et de rêve. « Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous! » Un tel aveu suscite, le soir de la première, une réaction délirante dans la salle.24
JULIETTE GRÉCO
En février 1967, Juliette Gréco fête son 40e anniversaire lors de son premier passage au Canada. Gréco n’est pas en grande forme. Elle est même très malade : un virus attrapé en U.R.S.S., d’où elle revient après une tournée de deux mois [25]. Malgré tout, Gréco hypnotise le public par sa présence, par son regard, par sa voix, par ses gestes, par tout ce qu’elle a. On l’aurait écoutée chanter n’importe quoi.26
RENÉE CLAUDE
En mars 1967, Renée Claude assure la première partie de Jacques Brel. Elle n’est aucunement éclipsée par la présence du géant, loin de là. Du point de vue de la voix, de l’interprétation, de la présence en scène, la jeune chanteuse montréalaise a fait de grands progrès depuis son précédent récital à la Comédie-Canadienne en 1966. Elle a enfin pris sa place entre les deux grandes chanteuses québécoises de l’époque, Monique Leyrac et Pauline Julien.27
GINETTE RENO
En janvier 1968, Ginette Reno chante à guichet fermé à la Comédie-Canadienne.28 Elle captive, elle retient notre attention. Elle est continuellement intéressante. Reno est une espèce de volcan en éruption. Ginette Reno a été formée dans les cabarets et cela transparaît au cours de son spectacle.29 Son passage à la Comédie-Canadienne est une sorte de consécration pour Ginette qui vient d’avoir 21 ans.30
JEAN FERRAT
À l’heure où les grandes vedettes ne remplissent plus les salles, Jean Ferrat chante à guichet fermé à la Comédie-Canadienne en avril 1968, lors de sa première visite en Amérique du Nord.31 Avec une mise en scène presque inexistante, Jean Ferrat relève le défi et séduit son public, même s’il parle très peu et ne bouge qu’assez rarement. Souriant, décontracté autant dans sa façon d’interpréter ses chansons que par sa tenue vestimentaire, Ferrat possède un charme très personnel qui le rend encore plus attachant. Oui, Jean Ferrat sur scène, ça vaut le déplacement.32
L’OSSTIDCHO
En septembre 1968, accompagnés par le Quatuor du nouveau jazz libre du Québec, Yvon Deschamps, Robert Charlebois, Louise Forestier et Mouffe créent une ‘’désobéissance artistique’’ dont le titre trouve son origine dans une boutade de Paul Buissonneau, qui est le metteur en scène. L’Osstidcho, présenté au Théâtre des Quat’Sous, puis repris à la Comédie-Canadienne et enfin à la Place des Arts, marque, par son pouvoir libérateur, la scène culturelle québécoise.33
JOE DASSIN
En décembre 1968, Joe Dassin fait une entrée très remarquée lors de son premier tour de chant au Québec à la Comédie-Canadienne. Joe Dassin est jeune, viril, sexy. Il sourit beaucoup. Il est extrêmement sympathique. Il a un sens extraordinaire de la scène, il tient le public dans sa main. C’est un showman dans la trempe de Presley et Hallyday.34
HAIR
En septembre 1970, après plusieurs semaines d’annonces publicitaires savamment orchestrées, la comédie musicale « Hair » prend l’affiche à la Comédie-Canadienne, trois ans après New York et un an après Toronto. Bien calme première à Montréal, où un Pierre Elliott-Trudeau, attendu par les journalistes jusqu’à la dernière seconde, brillait par son absence, où on ne vit que quelques petites vedettes locales, où les gens qui ont les moyens de voir « Hair » à New York, à Londres ou à Paris ont bien pris garde de ne pas se montrer pour ne pas baisser dans leur standing social. Ne restait que la foule anonyme et celle, discrète, des gens d’affaires qui ne tenaient pas à se faire connaître. Le seul moment palpitant de la soirée fut l’arrestation de deux jeunes gens âgés respectivement de 21 et 23 ans. Le premier pour avoir troublé la paix et résisté l’arrestation. Le titre du tract était: « À bas la culture impérialiste dégénérée! » 35
LA COMÉDIE-CANADIENNE DEVIENT UN CINÉMA PERMANENT
Le 9 janvier 1971, la Comédie-Canadienne devient un cinéma où l’on présente de bons films en français. À la suite de difficultés financières insurmontables, cette salle de spectacles réputée du centre-ville était dans une impasse : à la suite du succès mitigé de la comédie musicale « Hair », la Comédie-Canadienne devait fermer ses portes pour la saison. Roland Smith et André Pépin, qui dirigaient la société Micro-Cinéma, propriétaire du Verdi, du Pussycat et du Lido, reprit en main cette salle pour en faire un cinéma permanent.36
LA VENTE DE LA COMÉDIE-CANADIENNE AU TNM
En 1972, la vente de la Comédie-Canadienne au Théâtre du Nouveau-Monde est perçue comme le scandale du siècle. « Nous souhaitons bonne chance aux gens du TNM avec leur nouvelle salle, ce n’est pas à eux que nous en voulons mais à la façon dont le fédéral s’est embarqué dans l’affaire », explique les propriétaires de la boîte à chansons Le Patriote, Yves Blais et Percy Bloomfield, qui avaient entrepris de refaire de la Comédie-Canadienne (transformée en cinéma) en une salle de spectacle consacrée à la chanson. Pourtant, tout le monde s’entendait pour dire qu’il fallait à la chanson ‘’sa’’ salle à Montréal. Même Félix Leclerc, qui ne s’embarquait pas souvent dans ce genre d’affaires, disait: « C’est une injustice qu’on ne donne pas à la chanson sa salle au cœur de Montréal. » 37
Les deux principaux producteurs de spectacles de variétés à Montréal, Guy Latraverse et Michel Gélinas (fils de Gratien), étaient eux aussi bien d’accord pour que la Comédie-Canadienne soit une salle de variétés plutôt qu’un théâtre. Leurs artistes préféraient chanter là plutôt qu’à la Place des Arts. « La Comédie, dit Michel, est une salle plus chaude où le public est près de la scène et enveloppe l’artiste. Tandis qu’au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, le parterre est immense et les balcons trop éloignés. » Les deux producteurs notent aussi que la Comédie-Canadienne était moins intimidante pour le spectateur moyen que la Place des Arts et que le public semblait y venir plus volontiers. De plus, l’existence de deux salles de variétés leur aurait permis de mieux agencer leur calendrier de spectacles.37
La Comédie-Canadienne ferme ses portes en 1972 et est remplacée par le Théâtre du Nouveau-Monde.1
Le TNM jouit d’un statut national le classant parmi les institutions culturelles de langue française les plus importantes en Amérique du Nord.38