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CAFÉ MOCAMBO

Le Café Mocambo était un établissement emblématique de Montréal, situé sur la rue Notre-Dame Est. Le Café Mocambo était réputé pour son ambiance chaleureuse et animée, ainsi que pour son rôle central dans la scène culturelle et sociale dans l'est de Montréal.

Le Mocambo était le show-bar de l’est de la ville de Montréal durant les années 1950 et 1960.

Café Mocambo, 2591 rue Notre-Dame Est, Montréal,The Gazette

Le Café Mocambo, en activité de 1947 à 1966, était situé au 2591, rue Notre-Dame Est, à Montréal.

Successeur du Café Yucca, le Mocambo a ouvert ses portes le 18 octobre 1947.1

Le Mocambo a été inauguré sous un permis de la Commission des liqueurs émis au nom de M. R. Thibault, qui détenait également les permis du Café Yucca ainsi que ceux des cabarets Chanteclerc, Café du Palais, Yankee, Maroon et St-Michel, selon un rapport de la Fédération des Ligues du Sacré-Cœur. Le Yucca, situé sur la rue Ontario, avait fait la manchette à la suite d’une tragédie avant de fermer ses portes en octobre 1947. Il était alors géré par M. F. Roy — le même qui assurait aussi la gestion du Mocambo.2

Le Café Mocambo se définissait comme « le show-bar de l’Est » de Montréal. Au cours des années 1950, on pouvait assister à différents types de spectacles : des concerts, de la danse, de la comédie, et des numéros de vaudeville.3,4

Café Mocambo, 2591 rue Notre-Dame Est, Montréal, Mémoires des Montréalais crédit photo: Armand Larivée au Mocambo avec des amis en 1957. Il est le deuxième à partir de la droite. Centre d’histoire de Montréal. Numéro de dossier: 2012.89.2

M. Roland Thibault, propriétaire du cabaret Mocambo, homme d’affaires prospère, possède déjà quatre ou cinq importantes compagnies de viande. Le cabaret, toutefois, traverse une période difficile : conflits avec la police des liqueurs, altercations, fermeture temporaire… Lassé par cette gestion chaotique, Thibault propose à son ami Johnny Rougeau de racheter l’établissement.5

Radiomonde, 8 juillet 1961, (BAnQ)

Grâce à ses relations, tant au sein de l’Union nationale que du Parti libéral, Thibault offre à Rougeau des conditions de rêve : « Tu peux te faire entre 75 000 et 80 000 $ par année. T’as pas besoin d’un sou pour commencer. Je t’offre des modalités de paiement généreuses, sans un sou d’intérêt, et je vais même te prêter de l’argent pour remettre l’endroit en ordre. » Séduit par l’offre, Rougeau accepte. Sa première mission : vérifier s’il est encore possible d’obtenir un permis de boissons. Ne sachant pas par où commencer, il sollicite un rendez-vous avec René Lévesque, alors ministre des Richesses naturelles. Sept mois passent sans nouvelle. Puis, un jour, le fils d’un juge lui rend visite et lui glisse à l’oreille : « Peut-être que ça irait plus vite si vous achetiez vos meubles chez nous… Je peux aussi vous recommander de bonnes marques de boissons. » Irrité, Rougeau se rend aussitôt chez Lévesque pour lui rapporter l’incident. Indigné, ce dernier appelle le juge : « C’est fini le tripotage. Johnny Rougeau n’est pas obligé d’acheter ses meubles de personne, ni ses boissons… » Et il raccroche sans laisser le temps de répliquer. Trois jours plus tard, comme par hasard, Rougeau reçoit enfin son permis.5

Le Café Mocambo est officiellement racheté et remis à neuf par Johnny Rougeau. Le soir de la réouverture, le 10 juillet 1961, la vedette américaine Frankie Lymon, célèbre pour son succès Why Do Fools Fall in Love, monte sur scène.10,11

Rougeau ne conserve que quatre des cinquante employés en place. Il veut bâtir une équipe de confiance et fait appel à ses propres gens — une tâche ardue. Ambitieux, il rêve de faire du Mocambo l’un des plus grands cabarets d’Amérique du Nord. Pour y parvenir, il programme de grands spectacles et invite des vedettes renommées, tout en réservant une place importante aux artistes canadiens-français. À l’extérieur, une imposante enseigne lumineuse affiche une photo de Johnny en lutteur, accompagnée du message : « JOHNNY VOUS REÇOIT ».5

Son métier de lutteur lui permet de voyager aux États-Unis, de tisser des liens dans le milieu du spectacle et de recruter des artistes pour son cabaret. Le Mocambo se distingue par sa grandeur — la piste de danse peut accueillir plus de cent personnes — et par la qualité de sa programmation. Mis à part le Casa Loma ou le Café de l’Est, peu d’établissements peuvent rivaliser. Rougeau attire notamment Chubby Checker et Fats Domino.5

Souhaitant faire du Mocambo un lieu distingué, Rougeau interdit l’entrée aux anciens clients indésirables et proscrit toute consommation de drogue. Il devient rapidement un confident pour les artistes, sur qui ils peuvent compter en cas de pépin. Chaque soir, il accueille personnellement les clients à l’entrée, ce qui contribue sans doute au succès de l’établissement.5

À quelques exceptions près, tout se passe bien. Un soir, des individus tentent d’entrer armés. Johnny leur demande poliment de laisser leurs armes dans leur voiture s’ils veulent accéder au club. Avec l’aide de son frère Jacques, il les expulse. Jacques Rougeau Sr., maître d’hôtel imposant, est d’ailleurs souvent pris pour le portier.5

Impossible de parler du Mocambo sans mentionner Roland Montreuil. Il y décroche son premier contrat en 1950 et y reste onze ans. En 1957, il est couronné « Monsieur MC » et réalise un exploit : un pianothon de 57 heures et 5 minutes. Il partage la scène avec les Four Aces, les Ink Spots, Al Martino et d’autres grandes figures du showbiz.5

Malgré ce succès, Johnny Rougeau décide de vendre son cabaret le 29 janvier 1965.6

Au début de 1966, les difficultés financières s’accumulent. Le dimanche 20 mars, la fermeture est annoncée : tous sont invités à revenir le lendemain pour leur dernier chèque. Mais dans la nuit, le cabaret est vandalisé. Vitres brisées, mobilier fracassé — un saccage complet. Le lundi matin, les employés ne trouvent ni chèques, ni patrons, seulement la police venue constater les dégâts. Le Mocambo tire sa révérence dans le chaos.5,7

Pendant cinq ans, la persévérance de Johnny Rougeau aura fait du Mocambo l’un des meilleurs clubs de Montréal. De grands artistes de musique soul tels que Little Stevie Wonder, LaVern Baker, Clyde McPhatter, The Marvelettes, Ruby & The Romantics, Dee Dee Sharp, et Lovelace Watkins, surnommé le « Sinatra noir », s’y seront produit.5

Johnny Rougeau, La Presse (BAnQ), crédit photo: Robert Nadon, 1981

« Je n’arriverai jamais à nommer toutes les grandes vedettes qui sont passées chez moi », explique Johnny Rougeau, « mais certaines ont marqué l’époque: Liberace, les Edward Brothers, Flo de Parker, Iris Robin, et les débuts du ‘’twist’’ avec Chubby Checker, Benny Barbara, Cab Calloway, Billy Daniels, tous les plus grands noms de l’époque, les vedettes les plus chères également. J’avais une réputation à soutenir. Il y avait aussi des banquets, des réceptions et des mariages. Ce que j’ai pu travailler! Vers la fin de 1965, je commençais à me poser de sérieuses questions. J’étais très fatigué. Je travaillais 14 à 16 heures par jour, 7 jours sur 7, chaque semaine. J’avais négligé la lutte, je ne m’entraînais presque plus. Bref, c’était trop. Trois autres facteurs ont joué quand j’ai décidé de vendre. Premièrement, je voyais venir l’Expo 67 et je savais fort bien que ça allait nous ‘’rentrer dans le corps’’. La deuxième raison fut mon entrée à l’hôpital St-Luc pour mon opération au foie. Troisièmement, la télévision commençait à offrir des gros salaires aux artistes. Par exemple, des artistes que je payais $500 à $600 exigeaient, tout à coup, $2,500 à $3,000 par semaine. Ce n’était plus possible. J’avais également le maître de cérémonie à payer et un orchestre de 12 musiciens. Il m’a donc fallu repenser ma vie. J’ai vendu le Mocambo pour la somme de $150,000 et il était tout payé à ce moment-là. J’ai découvert qu’il y avait trois domaines qui me passionnaient et dans lesquels je désirais évoluer: la lutte, la politique et le hockey »8

Rougeau met fin à sa carrière de lutteur en 1971. On lui avait réservé une réception grandiose au centre Paul-Sauvé. « Ils étaient 7,600 personnes pour venir me dire au revoir. Cela m’avait touché profondément », avait dit Rougeau.9

Funérailles de Johnny Rougeau, La Presse (BAnQ), crédit photo: René Picard, 1983

Johnny Rougeau décède d’une longue lutte contre le cancer le 25 mai 1983. Il était âgé de 52 ans. L’ancien lutteur avait un message à livrer avant de s’engager dans son dernier combat. « Quand les médecins m’ont fait comprendre qu’il n’y avait plus d’espoir, je me suis enfin décidé à écrire mon livre. J’avais un message d’amour à livrer, un message de respect des uns envers les autres. Si je parviens à faire comprendre cela aux gens, j’aurai accompli beaucoup »9

Sources
[1] Le Mocambo fait sa demande, Le Devoir, 15 novembre 1947
[2] Duplessis joue incessamment double jeu, L’autorité, 1 novembre 1947
[3] On ne s’ennuie pas une minute au Mocambo, Montréal-Matin, 2 février 1955
[4] Du rythme à profusion au Mocambo, Montréal-Matin, 16 avril 1959
[5] Comiques du Québec en 33 tours
[6] Miroir des sports, La Presse, 30 janvier 1965
[7] Vandalisme à la fermeture du Mocambo, La Presse, 22 mars 1966
[8] Johnny Rougeau par lui-même, La voix de l’Est, 16 février 1983
[9] Le cancer emporte Jean Rougeau, La Tribune, 26 mai 1983
[10] Johnny Rougeau invites you to the official opening tonight, The Gazette, 10 juillet 1961
[11] Ouverture officielle lundi 10 juillet, Radiomonde, 8 juillet 1961

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1959
DON RONDO
DON RONDO

Source: Le Petit Journal, 19 juillet 1959, BAnQ

1961
FRANKIE LYMON
FRANKIE LYMON

Source: The Gazette, 10 juillet 1961, Postmedia Network Inc.

OUVERTURE DU MOCAMBO : FRANKIE LYMON
OUVERTURE DU MOCAMBO : FRANKIE LYMON

Source: Radiomonde, 8 juillet 1961, BAnQ

1964
FATS DOMINO

Source: The Gazette 11 mai 1964

LITTLE STEVIE WONDER

Source: The Gazette 18 mai 1964

THE MARVELETTES

Source: The Gazette 20 juillet 1964

FATS DOMINO

Source: The Gazette 28 septembre 1964

JOHNNY THUNDER & DEE DEE SHARP

Source: The Gazette 26 octobre 1964

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