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CHEZ SWANN

Le savoir-vivre alcoolisé, la présence d'artistes en vue, le prix des consommations et le confort ambiant faisaient de Chez Swann le bar "high class" de la rue Prince-Arthur durant les années 1980s.

Le bar Chez Swann, situé au 57 rue Prince-Arthur Est à Montréal, a été en activité de 1983 à 1993. Il abrite aujourd’hui le Café Campus.

La Presse, 6 mars 2012

Le bar Chez Swann, situé au 57 rue Prince-Arthur Est à Montréal, a été en activité de 1983 à 1993. Il abrite aujourd’hui le Café Campus.1

Le fondateur de Chez Swann était Pierre Murphy.2

Quand Pierre Murphy était jeune, la rue Prince-Arthur était dangereuse. Tous les matins, en allant à l’école, il coupait à travers le Square St-Louis pour éviter ce tronçon mal famé, qui reliait le parc au boulevard St-Laurent.2

« Ce n’était pas un endroit pour un enfant portant le blazer et l’écusson de l’école », raconte-il.

C’était dans les années 1950. Trente ans plus tard, Murphy a possédé deux restaurants attrayants dans cette rue et venait de signer un bail de sept ans pour le bâtiment de trois étages des Vétérans Polonais à l’angle de la rue Prince-Arthur et St-Dominique. Il avait déjà dépensé 135 000 $ pour Chez Swann (aujourd’hui occupé par le Petit Campus), un bar art déco flamboyant, et envisageait l’idée d’ouvrir un dîner-théâtre dans le même immeuble.2

Autrefois un refuge pour le jeu illégal, la rue Prince-Arthur était devenue un lieu de vie nocturne prisé des Montréalais et des touristes durant les années 1970 et 1980.2

« Nous avons dépensé également 500 $ par semaine en arrangements floraux », a déclaré Murphy. « Partout où vous regardiez, il y avait quelque chose de joli. »4

Des hordes de jeunes francophones des banlieues, arborant un look à la « Miami Vice », affluaient vers la discothèque le week-end, transformant le Chez Swann en un bar de drague pour étudiants avec des files d’attente impressionnantes.4,6,7

La musique était moins commerciale et la clientèle plus âgée du dimanche au mercredi. Le bar était ouvert sept soirs par semaine à partir de 17h. Une entrée de 2 $ était demandée le week-end.4

Pierre Murphy était aussi le copropriétaire du bar Dr Jekyll et des restaurants La Fonderie, La Moulerie et l’Amérigo.8

Ancien concessionnaire à Terre des Hommes (pizza et barbecue) sur le site de l’Expo 67 (incluant une dans la biosphère au moment où elle a brûlé), Murphy a été l’un des premiers à réaliser le grand potentiel commercial de la rue Prince-Arthur. Il a ouvert le Bal St-Louis en 1975, puis le restaurant italien Vespucci juste à côté. Avec son frère Michel, musicien, Pierre Dupuis, ancien propriétaire du bar dansant Taxi, et un associé silencieux, Murphy a pris le contrôle du bâtiment des Vétérans Polonais. Ils ont appelé leur entreprise de divertissement l’Hôtel Impérial.2

Propriété de l’Association des Vétérans Polonais, le bâtiment, qui conservait la laverie, le tabagie et l’épicerie au rez-de-chaussée, avait longtemps intéressé Murphy. Il avait pris une option pour louer le bâtiment en 1981, mais l’avait laissée tomber.2

Puis, il a vu la comédie musicale québécoise Pied de Poule. Mais d’abord, il a vu les longues files d’attente pour ce musical new wave extrêmement populaire qui a débuté là à l’été 1982.2

« Une nuit, j’ai acheté un billet et je suis entré. Dix minutes après le début du spectacle, je me suis dit, wow, je dois me lancer dans le théâtre! C’était génial! »2

En février 1983, ils ont ouvert Chez Swann, un bar art déco au deuxième étage avec beaucoup de chrome et de meubles en cuir noir. Le nom du bar Chez Swann, d’ailleurs, était tiré d’un roman de Marcel Proust.2,3

Imaginez un somptueux bordel parisien vers 1920 et vous commencerez à avoir une idée de la transformation magnifiquement prétentieuse réalisée par l’artiste local Jacques Sabourin. Le frère de Pierre, Michel Murphy, était aussi impliqué dans la décoration du lieu. Colonnes Renaissance blanches peintes en émail brillant, riches draperies bordeaux, portes-fenêtres françaises, statues art déco et un piano à queue sont parmi les ornements décoratifs et objets d’art de ce bar.4

Cependant, on risquait de se tromper en allant Chez Swann si c’était pour danser. Car il n’y avait pas de piste de danse. Plus tard, au 3e étage, à la Salle Polonaise (futur Café Campus), la direction de Chez Swann a ajouté une salle de danse de la taille d’un gymnase, avec une scène et une mezzanine, pour absorber les foules débordantes de leur bar.4

Le décor sombre créait une atmosphère intime, incitant les gens à socialiser. Conversations bruyantes, éclats de rires et confidences étaient monnaie courante. Le savoir-vivre alcoolisé, la présence d’artistes en vue, le prix des consommations et le confort ambiant faisaient de Chez Swann le bar « high class » de Prince-Arthur.5

En 1993, le Café Campus, initialement situé à l’angle de la rue Queen-Mary et de la rue Decelles depuis 1967, a profité de la Fête de la Saint-Jean pour réapparaître dans de nouveaux locaux au 57 Prince-Arthur Est, dans l’ancien immeuble de la discothèque Chez Swann (2e étage) et de la Salle Polonaise (3e étage). Il a fallu un mois au Café Campus pour se relocaliser après l’injonction émise par la Cour d’appel du Québec le 19 mai 1993, l’obligeant à interrompre ses opérations et à quitter le légendaire 3315 rue Queen-Mary. Le nouveau Café Campus de la rue Prince-Arthur a été inauguré le 22 juin 1993.9,10,11

Sources
[1] Du travail au grand écran, La Presse, André Robert, 9 avril 1983
[2] Trendy Prince-Arthur street sheds it’s shabby image, The Gazette, Marianne Ackerman, 26 mars 1983
[3] Du travail au grand écran, La Presse, André Robert, 9 avril 1983
[4] Dance bars move to contemporary beat, The Gazette, Dan Burke, 18 janvier 1986
[5] La tournée des bars, Québec Rock, juin 1983 p35
[6] Disco mélangé, La Presse, 20 décembre 1986
[7] Guide de survie du noctambule, La Presse, 23 avril 1988
[8] Le Dr Jekyll là où il y a quelque chose de magique dans l’air, La Presse, Johanne Mercier, 18 mars 1990
[9] Le Café Campus a 40 ans, La Presse, Sylvie St-Jacques, 2 février 2007
[10] Le Café Campus refait surface, La Presse, 22 juin 1993
[11] Réouverture du Café Campus, Le Devoir, 25 juin 1993
Dernière mise à jour du texte: 21 juillet 2024

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