L’El Morocco fut le foyer des célébrités durant l’âge d’or des cabarets de Montréal
EL MOROCCO
Le cabaret El Morocco était un célèbre cabaret situé à Montréal. Il était connu pour son ambiance animée, ses spectacles de musique live, ses numéros de danse, et ses divertissements variés. Le cabaret était particulièrement populaire dans les années 1940 et 1950, attirant une clientèle diversifiée, y compris des célébrités et des personnalités de l'époque. Il était considéré comme l'un des lieux incontournables de la vie nocturne montréalaise à cette époque.
Texte assemblé à partir d’archives de journaux
Image: Edmond Felton (centre), courtoisie de Marie-Claude Felton
À l’exception peut-être du cabaret Frolics (1929-1933), aucune autre boîte de nuit de Montréal ne restera dans les mémoires aussi longtemps ni aussi affectueusement que le cabaret El Morocco (1940-1966).1
Le cabaret El Morocco a connu trois adresses à Montréal au cours de son histoire: le premier au 1433 rue Mansfield (1940-1942), le deuxième au 1410 rue Metcalfe (1942-1949), et le troisième au 1445 rue Lambert-Closse (1954-1966).2,3,4
Image: Ouverture El Morocco, 3 mai 1940, The Gazette
Le premier El Morocco était la propriété de la Croydon Corporation Limited.5 Le cabaret présentait du chant, de la comédie et de la danse. Harry Rose, le bouffon de Broadway, était le maître de cérémonie. Tous s’entendaient pour dire que le El Morocco était un des plus modernes et des plus confortables cabarets de la métropole. Il y avait deux orchestres: celui de Lew Clayton et de Peter Barry. On trouvait au cabaret tous les vins et liqueurs ainsi que tout ce qui pouvait assurer aux gourmets le plaisir gastronomique.6
Image: 10 novembre 1941, The Gazette
Le deuxième El Morocco se re-localise au 1410 rue Metcalfe, le 12 mars 1942. Les décorations intérieures du cabaret El Morocco étaient l’œuvre de George Mitchell, un artiste de Chicago. Mitchell avait dessiné les plans de plusieurs cabarets célèbres de Chicago. Les murs étaient recouverts de cuir rouge sombre. Il était entièrement emménagé et décoré selon un style moderne d’une grande sobriété et d’une beauté indéniable.3
Image: El Morocco, Mémoires des Montréalais
Un des co-propriétaires du cabaret fut le promoteur de lutte et de boxe Eddie Quinn et le gérant a été pendant de nombreuses années l’ancien joueur de hockey Jimmy Orlando (qui connut une relation tumultueuse et médiatisée avec Lili St-Cyr, la reine du striptease) et qui avait des liens avec la mafia montréalaise.7,8
Le El Morocco a collecté des sommes fantastiques pour des œuvres caritatives et a emmené régulièrement son orchestre et ses choristes dans les hôpitaux pour anciens combattants. Aucun organisme de charité ne s’est vu refuser l’aide du El Morocco.1
Image: Al Palmer, chroniqueur du nightlife montréalais, 1953, (BAnQ)
Le El Morocco était l’endroit où vous vous dirigiez pour une soirée spéciale en ville. Selon le chroniqueur montréalais Al Palmer, « The El Morocco had the prettiest chorus line, the funniest comics, the thickest steaks and the strongest drinks ». Vous pouviez toujours manger un bon repas. Toutes les célébrités américaines de passage à Montréal venaient y faire un tour telles que les boxeurs Jack Dempsey et Jack Sharkey, plusieurs joueurs professionnels de hockey ou encore Lili St-Cyr après son spectacle au Théâtre Gayety.7
Image: Lili St-Cyr
En 1947, un groupe dirigé par le lutteur Yvon Robert fait l’acquisition de l’El Morocco, rue Metcalfe.9 Le gala d’ouverture se déroule le 5 avril 1947.10 Le club est décoré avec le meilleur goût et possède une atmosphère reposante. Le bar est luxueux, intime et invitant, et le parquet de danse sans être particulièrement spacieux est satisfaisant.11
Image: La Patrie, 1 avril 1947, (BAnQ)
Dans la nuit du 3 mai 1949, à la fin de son bail, une soirée d’adieu plutôt triste a eu lieu à l’El Morocco avec du champagne coulant comme le fleuve Saint-Laurent. A neuf heures du matin, alors que les équipes de démolition travaillaient à démolir le bâtiment, les célébrants célébraient toujours, tristement. Rocky Goldberg, qui s’occupait du bar, et un dénommé Hickey, qui dirigeait les projecteurs pour les spectacles, ont refusé de quitter les lieux jusqu’à ce qu’ils soient convaincus qu’un nouvel El Morocco rouvrirait bientôt sur un nouveau site. 1 L’immeuble s’écroula le 4 mai 1949 pour faire place à la Banque Canadienne Nationale.12
Image: El Morocco, 1445 rue Lambert-Closse derrière le Forum de Montréal
Après 5 ans de fermeture, le El Morocco rouvre ses portes au 1445 rue Lambert-Closse, derrière le Forum, le 1er mai 1954. C’est la chanteuse Pat Morrissey qui inaugure le 3è cabaret El Morocco. La salle est intime. L’éclairage est bas et discret.4 En quelques mois, il devient le rendez-vous préféré de tous les sportsman de la métropole.13 Il y avait d’excellents spectacles d’artistes bien connus ainsi qu’une troupe de choriste accomplie. Maury Kaye, le pianiste de jazz montréalais, dirigeait le groupe-maison.2 Alys Robi fut l’une des rares artistes canadiennes à se produire dans cet établissement haut de gamme qui préférait recevoir des vedettes étrangères telles que Dean Martin, Tony Bennett et Eartha Kitt.7 Édith Piaf y a tenu la tête d’affiche pendant une semaine complète en 1955 et en 1957.14,15
Image: El Morocco
À l’hiver 1960-1961, un agent artistique avait convaincu l’El Morocco d’inviter un grand ensemble des États-Unis. Cet agent avait promis un spectacle rock éblouissant avec des costumes et des jeux de lumières. Toutefois, lorsque l’ensemble est venu jouer à Montréal, le propriétaire a découvert qu’il avait engagé non pas un groupe de rock novateur, mais un soi-disant prophète et magicien du clavier qui s’était donné le nom de Sun Ra, et les musiciens de son Arkestra. C’était le big band le plus coloré et le plus aventureux du jazz moderne, un groupe d’experimentalistes qui avaient oeuvré dans l’ombre à Chicago. Lorsque le El Morocco s’est rendu compte que Sun Ra n’avait nullement l’intention de jouer du rock, le cabaret a résilié le contrat.16
Image: Sun Ra, 31 juillet 1961, The Gazette
Au fur et à mesure que la situation des clubs s’est détériorée dans les années 1950, en partie à cause de l’arrivé de la télévision, il était devenu de plus en plus difficile de soutenir les grandes têtes d’affiches qui demandaient de plus gros cachets et la fréquentation des cabarets a chuté progressivement au fil des ans.
Image: La Patrie, 13 septembre 1962, (BAnQ)
Le 27 mai 1964, la Régie des Alcools suspend le permis du El Morocco parce qu’il refusait de payer au gouvernement provincial ses dus en matière de taxes sur les hôpitaux. Le gérant ferma ses portes. Un porte-parole du ministère des Finances a déclaré que la fermeture de ce cabaret, le plus grand de Montréal, « servirait d’exemples aux autres institutions du genre. »17
Après avoir été fermé pendant presque un an, et maintenant sous une nouvelle direction, l’El Morocco rouvre ses portes le 18 novembre 1965 à la même adresse. À l’affiche, un grand spectacle de variété intitulé Festival de la gaiété. Il y avait une vingtaine de showgirls, un mime et une chanteuse. L’orchestre était dirigé par le jazzman montréalais Lee Gagnon. La direction entendait suivre une politique de grands spectacles de variétés sans vedettes, de préférence au système de one-star-show qui était de rigueur à cet établissement depuis des années.18
Image: El Morocco, 29 novembre 1965, The Gazette
En 1966, Norm Silver, le propriétaire de l’Esquire Show Bar de Montréal, achète l’El Morocco et le transforme en restaurant-cabaret-théâtre.19 Il est entièrement rénové et pour la première fois, les montréalais peuvent prendre l’apéritif, dîner, et assister à un spectacle musical de style Broadway sous un même toit. L’El Morocco s’est assuré les services de Tommy Finnam III, producteur, directeur et chorégraphe de New York pour présenter des grandes comédies musicales.20
Image: Norm Silver’s Mustache, ex-El Morocco
En 1967, Guilda, le célèbre travesti, annonce qu’il achète avec plusieurs actionnaires le cabaret El Morocco. Le cabaret est rebaptisé Chez Guilda à compter du 25 mars 196721 mais est repris par Norm Silver l’été suivant et renommé Your Father’s Mustache. Le club présente initialement des spectacles de musique Dixieland et ensuite de rock & roll pendant les années 1970.22 Avec le temps, la musique passe au rock psychédélique, puis au hard rock. La scène heavy rock montréalaise s’articule autour du bar le Moustache.25 Norm Silver décède en 1980, suite à une longue maladie.23 L’immeuble se détériore et le promoteur Donald K. Donald et ses partenaires en font l’acquisition dans les années 1990.24 L’immeuble est depuis occupé par le Centre de Santé Meraki.