CAFÉ NEW ORLEANS
Le Café New Orleans était un café emblématique situé à Montréal. Il était réputé pour son ambiance chaleureuse, sa musique live et ses jolies danseuses.
Le Café New Orleans était situé au 188 blvd. Dorchester Est à Montréal.
Ce texte est assemblé à partir d’archives de journaux
Montréal-Matin, 21 janvier 1957, BAnQ
Nous sommes au milieu des années 1950, le « Red Light » d’antan est maintenant chose du passé. Il n’y a plus, aux fenêtres des lupanars, des filles qui font signe au passant, et les croupiers des tripots ont été mis hors-circuit. Les barons de nos bas-fonds ont dû s’adapter aux circonstances. Leurs « protégées » ont jeté leur dévolu sur les boîtes de nuit tandis que l’on joue gros dans ces clubs privés dits « à charte » où la discrétion est à l’ordre du jour.1
Jean Drapeau et sa suite de croisés entendent livrer la marchandise. Montréal peut accéder au rang des grandes villes du monde, mais encore faut-il qu’elle se débarrasse de quelques scories. Il faut sévir là où le vice a trouvé refuge.1
On prend des moyens détournés. L’administration municipale soumet les night-clubs à des heures de fermeture qui doivent être rigoureusement respectées. En cas d’infraction, le châtiment est sévère: le permis d’exploitation est suspendu. En 1955, on ne doit plus servir d’alcool, deux heures passées minuit. Les cabaretiers protestent: c’est aux petites heures que le client fait sonner la caisse. Or ils supportent de lourdes charges, les shows leurs coûtent la peau des fesses. On réduit d’abord les frais. Un quart des 4000 salariés qu’ils emploient se trouvent bientôt au chômage. 25 établissements sont menacés d’extinction.1
C’est dans ce climat que le Café New Orleans ouvre ses portes le 1er février 1955, au 188 boulevard Dorchester Est à Montréal.2
The Gazette, 1 février 1955, newspapers.com
Le Café New Orleans possède de magnifiques salles pour tout genres de réceptions, tels que les marriages et banquets.3 À l’étage se trouve les studios de radio CJMS-AM (à partir du 24 août 1955).4
L’offensive contre les boîtes de nuit, qui n’a pas cessée depuis la fin du régime de Camillien Houde, continue de plus belle. La limitation des heures d’ouvertures des boîtes favorise l’émergence de nombreux débits clandestins, dits « Blind Pigs », dont certains font des affaires d’or. Le climat de répression exacerbe les passions et les appétits. On constate une recrudescence de la violence.1
Nos édiles du temps rêvent d’une cité sans tâche et sans reproche, les spectacles qu’ils jugent « immoraux » heurtent de front leurs principes les plus chers. On ne « bargain » pas sur la morale.1
La vedette du Café New Orleans en mars 1955 est la drag queen Lana St-Cyr. Le nom de Lana St-Cyr fait directement référence à celui de Lili St-Cyr, célèbre effeuilleuse dans les cabarets durant les années 1940. Lana St-Cyr est aujourd’hui considérée comme une pionnière de l’art du drag au Québec bien qu’à l’époque le terme ne soit pas utilisé.5,6
Photo: Pierre Roussel
Le 4 mai 1955, Monika Marro, danseuse polonaise de 28 ans, participe à un spectacle jugé indécent au Café New Orleans. Gilles Gauthier, 24 ans, gérant du Café New Orleans, se présente à la barre des témoins et reconnaît qu’il y a eu des applaudissements durant la danse de Mademoiselle Marro mais qu’il n’y a pas eu le moindre tollé de la part du public. Gauthier déclare qu’il qualifierait la danse de Mademoiselle Marro de semi-classique. Il explique qu’elle portait un costume en deux pièces – un pantalon court et un soutien-gorge – et qu’elle agitait un voile, mais qu’elle ne se déshabillait pas progressivement. Le juge Fontaine a demandé: « Portait-elle un slip ? » Gauthier a répondu que non. Gauthier a également expliqué que Mademoiselle Marro bougeait son corps, mais en cercle.7
Le 23 décembre 1956, un groupe de danseuses de cabarets se sont présentées en cours pour subir leurs procès sous accusation d’avoir exécuté en public des numéros de danse présumés indécents. Des policiers de l’escouade de la Moralité avaient procédé à leurs arrestation au Café New Orleans.8
Montréal-Matin, 30 avril 1956, BAnQ
Le racket dit « de la protection » voit le jour en 1957. Son initiateur s’appelle Eddy Sauvageau et il s’offre à protéger certaines boîtes contre les « boulés » de passage. Son règne est court, Albert Marinello lui loge deux balles dans la tête le 7 janvier 1957. Ti-Guy St-Onge prend la relève et raffine le procédé.1
La longue guerre entre la police et les voyous reprend lorsque trois agents de police sont brutalement attaqués à coups de blackjack, de poings et de pieds au Café New Orleans le 27 janvier 1957. Le procureur de police, André Tessier, qualifie la situation « d’intolérable » après avoir déclaré devant le tribunal qu’il s’agissait d’un racket de protection. L’est de la ville avait été le théâtre de violence durant les derniers mois. Des agressions, des bris de vitres et d’autres formes de violences avaient été signalées.9
Eddie Pappini, 39 ans, serveur au Café New Orleans, plaide non coupable le 31 janvier 1957 d’avoir agressé l’un des policiers lors de l’attaque au Café New Orleans. La police, quant à elle, recherche toujours quatre autres hommes en lien avec les agressions.10
Le Café New Orleans est perquisitionné par la police de la Commission des liqueurs provinciale et ferme le 29 janvier 1957, suite à l’attaque contre les policiers.10
Le 18 février 1958, une nouvelle salle de danse le « New Orleans Danceland » ouvre ses portes dans l’ancien Café New Orleans. La salle est ouverte les vendredis, samedis et dimanches.11,12
Le 11 novembre 1963, la salle de danse devient le Théâtre Égrégore.13,14
Le 19 mai 1967, l’Égrégore devient la discothèque Snoopy’s, l’une des premières discothèques pour adolescents à Montréal qui révolutionne le « teen nightlife » au Québec.15