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ESQUIRE SHOW BAR

L'Esquire Show Bar était un établissement de divertissement situé à Montréal. Fondé dans les années 1940 et actif jusque dans les années 1970, il était célèbre pour ses spectacles de rock & roll, r&b, jazz et blues. L'Esquire Show Bar attirait une clientèle variée à la recherche de divertissements nocturnes et était réputé pour son ambiance animée. C'était l'un des nombreux clubs et bars de divertissement qui ont contribué à la scène dynamique de la vie nocturne de Montréal à cette époque.

L’Esquire Show Bar était le haut lieu du R&B, du soul, du blues et du rock & roll à Montréal. C’est là que les premiers spectacles de rock & roll de la ville ont eu lieu.

Esquire Show Bar

L’Esquire Show Bar, en activité du 3 mai 1940 au 10 décembre 1972, était situé au 1224 rue Stanley à Montréal, anciennement occupé par le cabaret Villa Maurice.1,2

L’Esquire a été fondé par un Gallois nommé Sam Cleaver, qui exploitait également le Palais d’Or et détenait une part dans le Stanley Grill et le Tic-Toc. Dans les années 1940 et au début des années 1950, l’Esquire était l’un des clubs les plus populaires du centre-ville de Montréal. Ouvert en 1940, il était particulièrement prisé des militaires et de leurs invités pendant la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, Sam Cleaver s’est associé avec Norm Silver, un jeune entrepreneur également copropriétaire du restaurant branché Miss Montréal sur le boulevard Décarie. Ensemble, ils ont temporairement fermé l’Esquire pour repenser son concept, le rouvrant le 24 mars 1951 sous le nom d’Esquire « Show Bar ».4,5

« Nous avons fait quelques voyages pour avoir des idées sur quoi faire avec l’endroit » se rappelle Silver, « Ce que nous avons trouvé, c’est l’idée d’un show bar, un divertissement continu, sans entracte, un spectacle de deux heures qui recommencerait encore et encore dès qu’il serait terminé – comme les newsreel theatres à New York. »3

L’une des particularités du Esquire Show Bar était son long bar entourant une scène surélevée. Les clients pouvaient y dîner, danser, profiter des choristes et assister à un spectacle varié incluant des comédiens, chanteurs, danseurs et jongleurs. La nourriture, de bonne qualité et à prix raisonnable, perpétuait la tradition de l’Esquire d’origine.4

Esquire Show Bar

« Nous avons installé des palmiers en plâtre blanc. La grande scène était inspirée d’un club de Boston. Nous avons repris le menu du restaurant Miss Montréal, et ça a tout de suite fonctionné. Avec des spectacles en continu, il n’y avait plus de place pour la danse, ce qui était une bénédiction pour bien des hommes dont les femmes les avaient traînés dehors. Ils venaient me remercier », se souvient Silver.3

L’Esquire Show Bar a accueilli des artistes de renom tels que Dean Martin, Duke Ellington, Count Basie, Bo Diddley et Fats Domino. Une émission d’interviews radiophoniques nocturnes était également diffusée depuis le salon. « Cinq soirs par semaine sur CFCF, de 23h30 à 1h00, l’émission s’appelait Man About Midnight. Lee Hamilton était le disc-jockey et Russ Taylor s’occupait des platines. Nous avons interviewé des célébrités de tous horizons. C’était un peu comme le Johnny Carson Show, mais à la radio. »3

L’Esquire a été un lieu très animé pendant plusieurs années. En fait, l’endroit était tellement fréquenté que Silver et son associé ont repris un deuxième club, le Wonderbar, qu’ils ont renommé le Sans Souci (anciennement Chez Maurice Danceland) sur la rue Sainte-Catherine. Ce club a également connu des moments mémorables, le plus marquant étant la semaine où Édith Piaf s’y est produite en 1952. « Son spectacle a été notre plus grand succès, et nous avons pourtant accueilli de nombreuses grandes stars. Le succès a été tel que nous avons fait la une des journaux à New York. Il y avait tellement de monde que nous avons dû engager deux hommes pour vérifier que les clients avaient bien des réservations. Un soir, un homme est venu et a demandé : « Avez-vous une réservation pour Monsieur Lemaire ? » Nos employés ont vérifié et ont dit non. Il est parti, mais est revenu cinq minutes plus tard en disant : « Allez-vous vraiment refuser l’entrée au maire de Montréal ? » C’était Camillien Houde, le maire en personne ! »3

Esquire Show Bar

Et ainsi, les stars se succédaient et, nuit après nuit, l’Esquire Show Bar et le Sans Souci étaient toujours pleins. Puis l’arrivée de la télévision a changé les habitudes. Dans les années 1950, les gens passaient plus de temps chez eux, et les clubs se vidaient. Le Sans Souci est devenu désert, et Silver est retourné gérer Miss Montréal, ne rouvrant l’Esquire que les fins de semaine. Après quelques années d’incertitude, en 1956, Norm Silver a eu une idée : « J’entendais les jeunes parler de rock & roll au restaurant Miss Montréal, et j’en captais aussi sur les radios de voitures. J’ai tout de suite aimé cette musique excitante. C’était clairement tourné vers les jeunes, un nouveau marché pour les clubs, alors que les plus âgés restaient chez eux à regarder la télévision. J’ai donc décidé de tenter l’expérience à l’Esquire. En faisant cela, j’ai introduit le rock & roll live à Montréal. Au départ, M. Cleaver était un peu hésitant, mais après un mois d’essai, il s’est laissé convaincre, et comme on le sait, nous n’avons jamais fait marche arrière. » Ce sont les groupes TNT Tribble & His Five Sticks of Dynamite et The Kansas City Tomcats qui ont eu l’honneur de lancer l’ère du rock & roll à l’Esquire.3

Frank Motley était un invité fréquent ainsi que Bo Diddley et Fats Domino. On y a aussi entendu Little Richard, Bill Haley & The Comets, The Coasters, The Drifters, Joe Tex, Ben E. King, Chubby Checker et King Curtis, le grand saxophoniste. Au nombre des artistes passés à l’Esquire, on compte également Etta James, Solomon Burke, Screamin’ Jay Hawkins, Parliament, The Isley Brothers, et Wilson Pickett qui a battu des records de présences. Un jeune inconnu nommé Bob Dylan est par ailleurs venu regarder Bo Diddley à l’Esquire une nuit de 1962, entre les représentations de son propre spectacle à l’ancien club le Pot Pourri.3

Au début des années 60, Norm Silver est devenu propriétaire des deux tiers de l’Esquire, tandis que le tiers restant est passé aux mains de Gordon McVey, le gendre de Sam Cleaver (décédé le 14 juillet 1964). Vers la fin des années 60, les goûts musicaux ont de nouveau évolué. L’engouement initial pour le rock & roll s’est estompé, tandis que les big bands d’autrefois se reformaient. L’Esquire est naturellement devenu une escale incontournable pour ces groupes lors de leurs passages à Montréal.3,8

Esquire Show Bar, 1969

Après un succès retentissant en 1967 avec la venue de Wilson Pickett, l’Esquire connaît son point culminant à l’été 1969 grâce à la pop star numéro un au Québec, Robert Charlebois, qui a attiré les plus grandes foules au club. Charlebois se souvient de la semaine : « Comme une révolution. Les gens dansaient sur le bar. L’air était enfumé. C’était ma période psychédélique. C’était une semaine de plaisir, un très bon souvenir. »3

The Montreal Star, 8 mai 1971, newspapers.com

Les années 1970 ont commencé en mettant le blues à l’honneur à l’Esquire. Les clients ont pu y entendre plusieurs musiciens tels que Muddy Waters, Big Mama Thornton, James Cotton, Howlin’ Wolf, John Lee Hooker, Willie Dixon, Sonny Terry & Brownie McGhee, Buddy Guy et Junior Wells. Les géants du jazz ont suivi : Elvin Jones, George Benson, Rahsaan Roland Kirk, Gary Burton, The Modern Jazz Quartet, Herbie Hancock, Pharoah Sanders, Jimmy Smith, Charlie Mingus, Weather Report, Freddie Hubbard et Stan Getz.3

Le rêve a toutefois été interrompu le 5 mai 1972. Un beau soir de printemps, un bataillon de policiers est entré et a emporté le ticket-repas de l’Esquire : son permis d’alcool et chaque bouteille d’alcool du club. Silver a gardé l’endroit ouvert pendant quelques mois, essayant de se débrouiller avec de la bonne musique et du jus d’orange. Mais cela n’a pas fonctionné. Le bluesman Lightnin’ Hopkins a fait un dernier salut et les lumières se sont éteintes pour de bon le 10 décembre 1972.6

« Pourquoi ? » Silver hausse les épaules. « Qui sait ? » Tout a commencé en 1963, lorsque le comité exécutif de la ville a décidé de révoquer les permis d’une vingtaine de clubs à Montréal, dont l’Esquire. Ils ont prétendu que cela allait à l’encontre de la morale publique. Chaque année, ils nous envoyaient une facture pour notre permis, encaissaient notre chèque, mais ne nous envoyaient jamais le permis. Avec seulement un reçu, nous obtenions malgré tout notre permis d’alcool provincial. Cette situation a duré neuf ans. Nous avons finalement porté l’affaire devant la cour d’appel parce que nous voulions régler le problème en justice, mais la ville ne l’a jamais fait. Puis, la régie des alcools est intervenue, affirmant que nous ne pouvions pas avoir de permis d’alcool sans celui de la ville, et la police est venue pour retirer toutes les bouteilles du club. L’année suivante, nous avons demandé un nouveau permis à la ville, mais il nous a été refusé. C’est ainsi qu’on nous a fermés, sans explication ni accusation.3

Quelques années avant la fermeture de l’Esquire Show Bar, Norm Silver s’est vu proposer l’achat du cabaret El Morocco sur la rue Closse. Il l’a acquis et renommé Norm Silver’s Moustache. Le club a d’abord présenté des spectacles de Dixieland, avant de passer au rock & roll. Avec le temps, la programmation a évolué vers le rock psychédélique, puis vers le hard rock, faisant du Moustache un point central de la scène heavy rock montréalaise.3,9

source à déterminer

Norman Silver meurt le 17 mars 1980, suite à une longue maladie, à l’âge de 69 ans7. Il aura été une figure marquante du nightlife montréalais pendant plus de quatre décennies.

SOURCES
[1] Hello Montreal, introducing your smart new rendez-vous, The Gazette, 3 mai 1940
[2] Going, going, The Montreal Star, Juan Rodriguez, 16 décembre 1972
[3] The Esquire Show Bar remembered, The Montreal Star, Dane Lanken, 10 mars 1979
[4] The golden age of Montreal night clubs, Nancy Marrelli, 2004
[5] News show bar opens tonight, The Gazette, 24 mars 1951
[6] Lightnin’ Hopkins began blues fire, The Montreal Star, J. Rodriguez, 8 décembre 1972
[7] Norman Silver dead at 69, The Record, 18 mars 1980
[8] Obituary Sam Cleaver, The Montreal Star, 15 juillet 1964
[9] L’évolution du métal québécois, Félix B. Desfossés, p.101
Ce texte est tiré majoritairement de l’article de Dane Lanken du Montreal Star datant du 10 mars 1979
Dernière mise à jour du texte: 29 septembre 2024

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