Le Cabaret du Quartier Latin
Le premier cabaret français de l’ouest de Montréal
Le premier cabaret français de l’ouest de Montréal
Le Quartier Latin était le premier cabaret français de l’ouest de Montréal. 1 L’ouverture du Quartier Latin correspond à la grande période des cabarets montréalais mais aussi à une époque où tous les spectacles, ou à peu près, se faisaient en anglais.2
Le Quartier Latin était situé au 1177 rue de la Montagne et a été fondé par le chanteur d’opéra Gustave Longtin le 27 décembre 1946.3
Sur la scène de ce cabaret se sont tour à tour succédé Henri Letondal, Jacques Normand, Denis Drouin, Germaine Giroux, Roger Baulu, Jean Vincent, Charles-Emile Brodeur, et nombre d’autres. Gustave Longtin nous a fait connaître Germaine Sablon, Aimée Valrèze, Harry Seguela, et Irene Hilda.1
Le tout premier spectacle de Charles Aznavour à Montréal fut présenté en 1948 sur la scène du Quartier Latin en compagnie de Pierre Roche.4 Edith Piaf, de passage à Montréal pour son spectacle au Monument-National, avait recommandé au propriétaire du Quartier Latin d’engager les duettistes. « Ils sont tout simplement merveilleux, dit-elle à Gustave Longtin. Je vous permets de les présenter comme mes protégés. »5
Le Quartier Latin se trouvait dans une ancienne résidence somptueuse entièrement transformée. Beaucoup de miroirs agrandissaient la perspective. La décoration était dans une tonalité rose et or. La salle à manger était rectangulaire et au fond se trouvait la petite scène dotée d’un rideau, sur laquelle se donnaient les spectacles. L’espace réservé à la danse était exigu mais il ne fallait pas trop en demander. Au second étage une mezzanine servait de bar, d’où les clients pouvaient jeter un coup d’oeil sur les spectacles.6 La cuisine française était toujours excellente et les mets apprêtés pour répondre aux gouts des plus capricieux.7
Comme une bonne partie de la clientèle se composait de personnalités artistiques, les visiteurs étaient assurés de côtoyer en tout temps plusieurs de leurs idoles.8 Une émission à CKVL « Le programme de la semaine » y était diffusé sur une base hebdomadaire.7 Les artistes de la scène, de la radio et du théâtre en ont fait leur endroit de prédilection, l’endroit où toute l’élite montréalaise venait s’amuser et rire à gorge déployée.9
Gustave Longtin vend son cabaret à Raymond Mahoux en 1949.10 La direction annonce une nouvelle politique de divertissement à caractère sud-américain.11 Ceux qui étaient en quête de rumba et de samba pouvaient désormais se livrer à leurs danses préférées au nouveau Havana Casino du Quartier Latin.12
En 1951, le Quartier Latin est victime d’un incendie qui cause des dégâts considérables. Outre le cabaret, plusieurs maisons du voisinage sont endommagées par l’eau et la fumée.13 Des réparations au coût de $40,000 sont entreprises.14 Le Quartier Latin rouvre le 22 septembre 1951 sous une nouvelle administration.15,16,17
Le Quartier Latin attire l’attention des fans de jazz avec ses fameux « jam sessions » en 1952. Un grand nombre de musiciens qui terminent leurs spectacles au Théâtre Seville se présentent au Quartier Latin, avec leurs instruments sous le bras, et prêtent main-forte au trio de Al Cowans, le chef d’orchestre maison. Des stars telles que les Dorsey Brothers, Duke Ellington et Coleman Hawkins prennent place sur la petite scène du Quartier Latin.18
Au cours de l’hiver 1953-54, le Quartier Latin devient le foyer du jazz et du dixieland à Montréal. Des noms tels que Mugsy Spanier, Oscar Peterson et les Salt City Five font leur apparition pour plaire aux fans et la nouvelle politique de concerts de jazz devient un grand succès. En fait, avec cette politique, le Quartier Latin comble un vide profondément ressenti depuis la fermeture du Rockhead’s Paradise et celle du Café Saint-Michel, toutes deux survenues en 1953 suite à des raids policiers.29,30 Avant la série jazz, il n’y avait plus vraiment d’endroit où aller en ville pour entendre de grands noms du jazz.19 Le Quartier Latin présente alors des artistes tels que Johnny Hodges, Art Tatum, Earl Hines, Milt Jackson, et Charlie Parker.
Charlie Parker, saxophoniste alto emblématique de jazz américain, était considéré comme un des jazzmen les plus influents de l’histoire du jazz en tant que fondateur du jazz moderne bebop. Sa visite au Quartier Latin, en octobre 1953, fut controversée. Parker joua seulement le premier soir de son engagement d’une semaine. La direction n’était pas satisfaite du choix de ses musiciens. On avait alors suggéré à Parker de jouer avec le pianiste américain Earl Hines, qui concluait son engagement, ce que Parker refusa de faire. Parker déposa une plainte auprès du syndicat des musiciens. Parker s’est défendu dans une lettre dans laquelle il concluait que la principale raison de l’annulation de sa série de spectacles était son style de musique inusité : son style bebop n’était pas familier puisqu’« il n’était pas apparu à Montréal assez souvent ».20
Le 15 octobre 1957, le Quartier Latin est revendu.21 Bien qu’une partie du cabaret est rénovée, la nouvelle direction a très sagement conservé l’ancienne forme gracieuse du club.22
Au début des années 1960, les cabarets de Montréal connaissent des difficultés financières. C’est la désolation. Montréal devient une métropole de l’ennui. Les deux formules qui paraissent les plus particulièrement en vogue en 1962 sont le travesti et les danses orientales exotiques.23 Le Quartier Latin présente les spectacles de la drag queen Lana St-Cyr, un nom de scène faisant directement référence à celui de Lili St-Cyr, célèbre effeuilleuse, performant dans les cabarets de Montréal de 1944 à 1951.24
En 1963, le Quartier Latin est complètement remis à neuf avec son nouveau salon, le Harem Room.25 La danseuse Lila Gamal, surnommée ‘’La belle arabe’’, en est la vedette.26
En 1964, c’est le Club Sahara, une propriété de la danseuse égyptienne Fawzia Amir, qui occupe les lieux jusqu’à sa fermeture en 1969.27
Suivront ensuite les restaurants Château Madrid El Paraiso, le Daberto, et finalement le restaurant italien Il Campari Centro, qui occupe l’immeuble depuis 1996.28