Le Verre Bouteille
Un pilier de la scène musicale montréalaise
Présentation
Situé au 2112, avenue du Mont-Royal Est à Montréal, le Verre Bouteille est l’un des lieux les plus étroitement liés à l’histoire musicale du Plateau-Mont-Royal. Tout commence en 1942, alors que la Seconde Guerre mondiale s’éternise. Pour lutter contre la morosité ambiante, Alfred Rouleau fait l’acquisition d’un débit de boisson, Le Buffet Rouge, qu’il rebaptise aussitôt Le Buffet De Lorimier. On y vient alors, au son du Soldat Lebrun ou de Duke Ellington, partager un verre avec l’être aimé ou savourer un filet mignon à 75 ¢. Alfred régnera sur l’établissement jusqu’au début des années 1970, avant de céder la place à son fils Yvon, digne héritier de l’affaire familiale..
Les années western (1960–1975)
Au début des années soixante, Yvon a déjà fondé une famille et mène une vie heureuse dans le Plateau-Mont-Royal, alors quartier ouvrier typique. Aux côtés de son épouse Lauréanne, qu’il a rencontrée au Buffet De Lorimier, il contribue activement à la bonne marche de l’établissement. Il y consacrera près de trente années, d’abord comme serveur, puis comme propriétaire à partir de 1971. Son décès prématuré, en 1975, crée une onde de choc, non seulement parmi les siens, mais aussi chez les habitants du quartier et les habitués du Buffet De Lorimier. Après sa disparition, Lauréanne reprend la barre avec leur fils Pierre. Le lieu embrasse alors la vague western, très populaire à l’époque : les artistes du genre s’y succèdent, faisant du Buffet De Lorimier une véritable halte musicale pour les amateurs de country québécois.
Devenir un bar de chanson (1996)
Au milieu des années 1990, le Plateau change rapidement et les chansons de country québécoises n’ont plus la même résonance. Après des décennies de service, Lauréanne et Pierre Rouleau confient les clés du commerce à leurs filles Sylvie et Nathalie Rouleau. Une transformation s’amorce : fermeture temporaire, remise au goût du jour, tout en respectant l’âme du lieu. Le 19 juin 1996, la salle renaît sous un nom devenu emblématique : Le Verre Bouteille.
Le petit bar-spectacle devient rapidement un carrefour essentiel pour la chanson québécoise moderne. Dans cette renaissance, plusieurs artisans se démarquent, dont Patrice (Pat) Johnson, qui contribue au renouvellement de la clientèle, et René Flageole, figure déterminante de la programmation. Avec son humour et sa curiosité, Flageole invite sur scène une multitude de talents émergents et établis, et organise les célèbres « Shows Cools », avec parfois un house band et des invités surprises.
Un lieu pour les musiciens — une famille agrandie
Dans les années 2000 et 2010, le Verre Bouteille devient progressivement le quartier général de la chanson d’auteur. On y croise régulièrement Pierre Flynn, Luc De Larochellière, Daniel Boucher, Mara Tremblay, Vincent Vallières, Marc Déry, Michel Rivard, Ariane Moffatt, Pascale Picard, Damien Robitaille, Yann Perreau, et bien d’autres.
« Pour moi, c’est un genre de laboratoire de création, devant public. L’équipement technique est bon, et il y a de la proximité qui permet des moments vrais. »
Et on prend vraiment soin de nous. »
— Antoine Gratton, musicien
On dit qu’on peut y entendre « une mouche voler » tant le public est attentif — une rareté dans les bars montréalais. Cette complicité entre artistes, propriétaires et habitués fait du Verre Bouteille un espace à part : intime, respectueux, fertile. Véritable laboratoire de création, on y rôde des chansons, répète des tournées, teste de nouveaux spectacles, ou improvise des moments uniques — comme l’intégrale d’Abbey Road avec Antoine Gratton, Marc Déry, Éric Goulet et Daniel Boucher.
2018 : nouvelle direction, même âme
Le 1er juin 2018, Nathalie et Sylvie Rouleau passent les rênes à une nouvelle équipe : Pascal Plante, Pat Johnson et Jake Warren. Leur mission : préserver l’esprit du lieu tout en le rajeunissant. Ils augmentent la fréquence des spectacles — jusqu’à cinq par semaine —, soutiennent les artistes émergents et s’ancrent davantage dans l’écosystème musical montréalais.
La salle demeure petite — une centaine de places —, mais cette proximité fait sa force. L’ambiance, décrite comme chaleureuse et habitée, dépasse les frontières du Plateau : on y voit débarquer des vedettes venues « juste pour jouer » — parfois spontanément — pour le simple plaisir du partage.
Portrait d’un refuge musical
- Une affaire de famille depuis 1942
- Une programmation riche, ouverte et imprévisible
- Un espace de création et de communauté
- Une ambiance chaleureuse, presque domestique
- Une scène intime pour auteurs, musiciens et poètes
- Un lieu où l’on vient écouter, découvrir et rencontrer
« C’est un bar rempli de musiciens. On ne sait jamais qui peut débarquer — Pierre Flynn, Serge Fiori ou Mario Lévesque. »
— Kathryn Greenaway, The Gazette
Soirées et séries « signatures »
- Open Country (Mountain Daisies — Ariane Ouellet & Carl Prévost) : rendez-vous mensuel devenu institution ; esprit « saloon en ville » ; retours remarqués (Amylie, Stefie Shock) et participations de Pierre Flynn, Mara Tremblay, etc.
- Veillées d’Amélie (Amélie Veille & Didier Morissonneau) : la série déménage au Verre Bouteille — signal fort du lieu comme QG de la chanson d’auteur.
- Shows Cools (curation René Flageole) : soirées thématiques (Bashung, Beatles…) avec house band et invités ; lieu d’expérimentation et de jams.
Moments marquants
- « Retour au ranch-en-ville » : après une tournée, les Mountain Daisies « ramènent le party de la ville » et confirment que l’énergie propre au Verre Bouteille est irremplaçable.
- Saint-Tite en cavale : la « famille VB » envahit le festival ; ovation pour Michel Rivard (Méfiez-vous du grand amour) ; finale collective sur Un coin du ciel menée par Ariane/Amylie/Mara.
- Intégrale d’Abbey Road : performance surprise avec Antoine Gratton, Marc Déry, Éric Goulet, Daniel Boucher — exemple parfait du « laboratoire de création » maison.
- Luc De Larochellière + Roch Voisine : rencontre improbable « à la bonne franquette », reprise de High and Dry (Radiohead) — le VB comme scène des imprévus.
Positionnement culturel
- Le « centre d’un monde » : antithèse du Centre Bell — petite salle où la proximité (≈ 100 places) nourrit la création, les premières, les rodages et les rencontres.
- Lieu‑école / laboratoire : des artistes y rôdent albums et tournées ; on « entend une mouche voler » tant le public est attentif ; respect viscéral de la chanson.

















































































































