Théâtre National (Montréal)
Aussi appelé Théâtre National Français, puis Le National, ce théâtre inauguré en 1900 sur la rue Sainte-Catherine Est a été un pilier du théâtre francophone, du vaudeville et du burlesque à Montréal — de La Poune (Rose Ouellette) à Belle et Bum.
1. Présentation
Conçu par Albert Sincennes et Elzéar Courval pour une compagnie francophone émergente, le Théâtre National Français ouvre le 12 août 1900 au 1440 rue Sainte-Catherine Est (aujourd’hui 1220). Construit par l’imprésario Julien Daoust, il est repris quelques semaines plus tard par Georges Gauvreau, qui rouvre officiellement le 4 septembre 1900. [1]
2. Origines (1900) & premières années
Dans la foulée du Monument-National (1893), le National devient une scène de création pour des œuvres canadiennes-françaises originales, souvent portées par Gauvreau avec le comédien Paul Cazeneuve. Un service de sonnette électrique relie la salle au Restaurant Des Deux Frères pour rappeler la fin des entractes. [1], [6], [8]
La concurrence des roadshows anglophones, la censure religieuse, un public restreint et le rythme d’un nouveau spectacle par semaine imposent une économie d’atelier : comédies et mélodrames « simples », surtout issus du répertoire français du XIXe siècle. Entre 1900 et 1910, le National présente 300+ pièces — la quantité primant souvent sur la qualité. [1], [6]
3. L’ère Gauvreau (1900s) : vitrine francophone
Au sommet de sa popularité sous Gauvreau, la salle aligne des titres « populaires » (Allo Québécoise, Rose Canadienne, Triomphe de la Croix) et accueille la comédienne Blanche de la Sablonnière, dite la « Sarah Bernhardt canadienne ». Ernest Ouimet — futur fondateur du Ouimetoscope (1906), toute première salle de cinéma permanente en Amérique du Nord, à quelques portes — y fait ses classes. [1]
4. Âge d’or burlesque : La Poune (1936–1953)
Les années 1936–1953 marquent l’apogée du National sous la direction de Rose Ouellette, alias La Poune. Elle y révèle notamment Alys Robi (dès l’adolescence) et attire un public massif — jusque dans les rangs d’un jeune Pierre Elliott Trudeau. La salle voit passer une génération d’artistes : Olivier Guimond, Murielle Millard, Paul Desmarteaux, Claude Blanchard, et bien d’autres. [2], [4]
5. Après 1953 : télé, cabarets & transformations
En 1953, Ouellette quitte une salle désormais concurrencée par la télévision et les cabarets. L’imprésario Jean-Marie Grimaldi prend le relais; parallèlement, il achète et transforme le Gayety (ex-salle de Lili St-Cyr) en Théâtre Radio-Cité avec Michael Costom, sans enrayer l’essor du petit écran. Il tente brièvement de relancer le National (avril 1958) avant que d’autres exploitants prennent le bail (1960 : Yvan Dufresne & Jean Bertrand). [9]
Suivent des métamorphoses successives : nickelodéon, vaudeville, cinéma chinois, salle de classe, le mal-nommé O’National (faillite après un mois), puis le Cinéma du Village, d’abord orienté « art & essai gai » avant de basculer vers l’érotique (1984–1993). [1], [4], [5], [6], [7]
6. Renaissance (1995), centenaire (2000) & relance (2006)
Le 25 mars 1995, réouverture « grande manière » : Alys Robi inaugure la nouvelle vie d’un National restauré par Michel Astraudo et Gilles Laplante, à l’esthétique respectueuse de l’âme des lieux. [1], [2]
Le centenaire 2000 est célébré plus modestement qu’espéré faute de subvention dédiée, mais reste marqué par un rassemblement d’anciens : « les vieux de la vieille ». [3]
En 2006, la salle est rafraîchie en un temps record par Larivée, Cabot, Champagne et rebaptisée Le National : peinture, bancs, sono, éclairage, loges — tout en préservant l’ambiance d’époque. Depuis, elle accueille une large palette d’artistes (de Robert Charlebois à Vampire Weekend, Caribou, Simple Plan, Half Moon Run, etc.) et l’émission Belle et Bum (depuis 2011). [4], [6]
7. Chronologie rapide
- 12 août 1900 — Inauguration du Théâtre National Français (Sincennes & Courval; 670 pl.). [1]
- 4 sept. 1900 — Réouverture sous Georges Gauvreau. [1]
- 1900–1910 — 300+ pièces; vitrine francophone; censure & rythme hebdo. [1], [6]
- 1936–1953 — Direction Rose Ouellette (La Poune) : âge d’or burlesque. [4]
- 1953–1960 — Grimaldi, Radio-Cité (ex-Gayety), puis reprises et baux. [9]
- 1984–1993 — Cinéma du Village (art & essai gai → érotique). [1], [7]
- 25 mars 1995 — Réouverture : spectacle d’Alys Robi. [1], [2]
- 2000 — Centenaire (marqué par un 5@7 historique). [3]
- 2006 — Rénovation & rebranding : Le National. [4]
- depuis 2011 — Tournage de Belle et Bum. [6]
8. Propriétaires & locataires
Selon L’Annuaire théâtral, la propriété appartient à une famille canadienne-française (1900–1949), lignée foncière retraçable jusqu’en 1843 (Allen Robertson → Peter McMahon → Joseph Brière). En 1949, cession à Théâtre Frontenac Ltée, qui respecte les baux en cours (France-Film, 1934–1949; Ideal Tea Room, 1946–1951; divers locaux 1212–1224). En 1955 : Ciné World Canadian Ltée, puis 1957 : Arcadie Corporation. En 1978, vente à Kuo Hsiung Chu et Lin Cheung Tsui, qui en font un cinéma chinois. [9]
Locataires et directions notables : Julien Daoust, Albert Sincennes, Georges Gauvreau, Olivier Gélinas, Louis-Honoré Bourdon, Joseph Cardinal, Jean-Marie Grimaldi, Yvan Dufresne, Jean Bertrand, etc. [9]
9. Notes & sources
- Alan Hustak, « Curtain up on new venue, Century-old theatre comes back to life », The Gazette, 20 mars 1995.
- Jean Beaunoyer, « Le Théâtre National renaît », La Presse, 28 février 1995.
- Francine Grimaldi, « Modeste 100e anniversaire », La Presse, 4 août 2000.
- Émilie Côté, « Le Théâtre National reprend vie », La Presse, 9 février 2006.
- « Le O’National ferme ses portes », Montréal-Matin, 12 janvier 1977.
- Site officiel du National — section historique.
- André-Constantin Passiour, « Un village en perpétuelle transformation », Fugues, 26 mars 2024.
- « Restaurant des Deux Frères », Théâtre National en Français, 6 octobre 1902.
- Denis Carrier, « Les administrateurs du Théâtre National », L’Annuaire Théâtral, automne 1988 – printemps 1989.





























































