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L’ORIGINE ET L’ÉVOLUTION DES SALLES DE MONTRÉAL

Le Canada a occupé et conservera toujours une place de choix dans ma mémoire.

Charles DickensÉcrivain anglais

Les Origines et l’Évolution des Arts de la Scène à Montréal : De 1606 à Aujourd’hui

Les premiers pas du théâtre sur le territoire canadien (1606)

L’histoire des arts de la scène à Montréal s’inscrit dans une tradition vieille de plusieurs siècles, dont les racines remontent à 1606 avec la présentation du Théâtre de Neptune à Port-Royal, en Acadie — la première pièce théâtrale connue en Amérique du Nord, écrite par Marc Lescarbot. Bien que présentée avant la fondation de Montréal en 1642, cette œuvre marque symboliquement les débuts du théâtre sur le territoire canadien. Créée pour célébrer le retour des colons français, elle véhicule toutefois une vision coloniale et eurocentrée des peuples autochtones, aujourd’hui largement critiquée.

Montréal, d’une ville fortifiée à une métropole culturelle (1642)

Au fil des siècles, Montréal est devenue un carrefour culturel majeur, où le théâtre, la musique, la danse, et plus tard le cabaret et la comédie, ont prospéré. Mais à l’époque de la Nouvelle-France, Montréal était une petite ville fortifiée, fortement influencée par la religion et les traditions rurales. Ce n’était pas une ville de fête : la vie nocturne y était quasi inexistante, surveillée de près par l’Église et imprégnée de culture française.

L’influence britannique sur la vie nocturne montréalaise (1825)

 

Après la Conquête de 1760, les Britanniques ont profondément influencé la vie culturelle de Montréal, notamment en stimulant l’essor de la vie nocturne et des arts de la scène. Le Théâtre Royal, inauguré en 1825 par John Molson, un immigrant anglais, illustre cette influence : pièces en anglais, répertoire britannique, architecture inspirée des théâtres londoniens, et public majoritairement anglophone. À une époque où la population francophone, marquée par l’Église, boudait encore le théâtre, le Théâtre Royal a jeté les bases d’une tradition scénique qui évoluera vers une identité plus bilingue et inclusive.

Les premiers théâtres francophones de Montréal (1893)

Les premiers théâtres francophones de Montréal sont apparus tardivement, freinés par la méfiance de l’Église catholique envers le théâtre, jugé immoral. Malgré ce contexte, des lieux comme le Monument-National, construit en 1893 par la Société Saint-Jean-Baptiste, le Théâtre Français, et le Théâtre National, ont permis l’émergence d’une véritable scène en français. Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que le théâtre en français s’impose véritablement à Montréal, posant les bases du théâtre québécois moderne.

La prohibition américaine (1920-1933)

Au début du 20e siècle, la période de la prohibition aux États-Unis (1920–1933) a eu un effet indirect mais déterminant sur le développement des arts de la scène à Montréal. Tandis que l’alcool était interdit au sud de la frontière, Montréal — plus permissive et déjà dotée d’une solide infrastructure hôtelière et portuaire — est devenue un refuge prisé pour les touristes américains en quête de divertissement. Les cabarets et clubs de la rue Sainte-Catherine et du Red Light District ont prospéré, attirant une clientèle cosmopolite. Cette effervescence a coïncidé avec l’arrivée du jazz, qui s’est rapidement imposé comme la bande sonore de ces nuits animées. Des artistes afro-américains, fuyant la ségrégation et cherchant un nouveau public, ont trouvé à Montréal une scène accueillante. Ce climat d’ouverture culturelle a renforcé l’identité nocturne de Montréal et préparé le terrain à l’émergence future de ses cabarets les plus emblématiques.

Montréal, Ville Ouverte : l’âge d’or des cabarets et la vie nocturne d’avant l’Expo 67 (1930-1950)

De la fin des années 1930 jusqu’aux années 1950, Montréal a connu un âge d’or de sa vie nocturne, porté par l’explosion des cabarets et des salles de spectacle. Surnommée le “Paris de l’Amérique du Nord”, la ville vibrait chaque soir d’une activité bouillonnante, notamment dans le quartier du Red Light et le long de la rue Sainte-Catherine, où une clientèle cosmopolite — touristes américains, artistes, politiciens et gens d’affaires — se pressait dans des établissements mêlant chansons, jazz, burlesque, comédie et danse.

C’est dans ce contexte que s’est forgée l’image de “Montréal Ville Ouverte”, expression popularisée pour désigner une ville tolérante envers les plaisirs nocturnes, le jeu, l’alcool et même la prostitution, souvent sous l’œil complice des autorités. Les cabarets de cette époque ont vu émerger des figures marquantes comme Alys Robi, La Bolduc, Olivier Guimond, et ont profondément marqué la culture populaire d’avant la Révolution tranquille.

Cependant, cette époque de liberté relative a été brutalement freinée par les politiques de moralisation menées dans les années 1950 et 1960, notamment sous l’impulsion du maire Jean Drapeau et du juriste Pax Plante, fervent opposant à la corruption policière et au crime organisé. Dans le but de moderniser l’image de Montréal aux yeux du monde et de préparer l’Expo 67, les autorités ont mené un grand nettoyage du Red Light, fermé de nombreux cabarets, et imposé une vision plus institutionnelle du divertissement, mettant fin à cette ère singulière de créativité nocturne.

Le déclin du théâtre burlesque et la montée de la télévision (1952)

L’arrivée de la télévision dans les foyers québécois dans les années 1950, combinée à l’émergence du rock & roll, a profondément transformé le paysage des cabarets montréalais. Jusque-là, les cabarets étaient des lieux de divertissement incontournables pour les adultes où l’on venait voir des spectacles de variétés, de chanson, de jazz ou d’humour en direct. Mais avec la télévision, les gens pouvaient désormais consommer du divertissement depuis leur salon, gratuitement, ce qui a entraîné une baisse de fréquentation des salles. Parallèlement, le rock & roll, perçu comme une musique plus jeune, rebelle et bruyante, s’est peu à peu imposé dans des lieux différents : arénas, clubs de quartier ou salles de danse, délaissant le style plus feutré et sophistiqué des cabarets traditionnels. Ce double changement a mené au déclin progressif de l’âge d’or des cabarets à Montréal à partir de la fin des années 1950.

L'Expo 67

L’Expo 67 a eu un impact décisif sur les arts de la scène à Montréal, en transformant la ville en carrefour culturel international. Elle a stimulé la création locale, attiré des artistes du monde entier et donné une visibilité nouvelle aux talents québécois. De nouvelles infrastructures comme le Théâtre Maisonneuve et la Place des Nations ont vu le jour, renforçant l’offre scénique. L’ouverture à des formes artistiques venues d’Asie, d’Afrique et d’Europe a nourri le multiculturalisme montréalais, et plusieurs artistes ont vu en l’Expo un moment fondateur de leur parcours. Cet événement a jeté les bases d’une scène artistique dynamique, inclusive et tournée vers le monde. L’Expo 67 a aussi entraîné un grand nettoyage moral et urbain à Montréal, provoquant la fermeture de nombreux cabarets, clubs de jazz et établissements du Red Light jugés indésirables. Cette volonté de projeter une image moderne et respectable de la ville a nui au nightlife traditionnel, plus marginal et vibrant, qui faisait autrefois partie intégrante de son identité.

Les discothèques pour les jeunes (1967)

Montréal est connue depuis bien longtemps comme une ville incontournable du spectacle et du divertissement, mais cette vie nocturne était autrefois réservée aux adultes. À partir de 1967, avec l’exposition universelle, les premières discothèques pour adolescents font leur apparition, permettant enfin aux moins de 21 ans de s’adonner à cette pratique sacrée qu’était le « club hopping ». Ce n’est qu’en 1970 que le Québec a abaissé l’âge de la majorité à 18 ans, dans un contexte de modernisation des lois civiles pendant la Révolution tranquille. L’ouverture en 1967 de la discothèque Snoopy’s, au 190 boulevard Dorchester Est, marque un tournant décisif dans le développement du « teen nightlife » montréalais. Les discothèques, au sens moderne de clubs avec DJ et piste de danse, avaient commencé à émerger à Montréal au milieu des années 1960, inspirées des tendances européennes.

Ce nouveau modèle, où l’on danse sur des disques plutôt qu’au son d’un orchestre, remplace peu à peu les cabarets traditionnels. Leur véritable essor se produit dans les années 1970 avec l’arrivée du disco, des DJ vedettes, des éclairages stroboscopiques et des boules miroir. Des lieux comme le Lime Light, Le Jardin, Le Sept ou Le Truxx deviennent emblématiques de la vie nocturne urbaine, en particulier dans le centre-ville, propulsant Montréal au rang de métropole festive de renommée internationale.

Les salles de spectacles

Les salles de spectacles de Montréal, comme le Spectrum, le Métropolis (aujourd’hui MTELUS) et le Club Soda, ont joué un rôle essentiel dans le développement culturel de la ville, en servant de tremplin à des artistes émergents tout en accueillant des légendes de la scène internationale. Ces lieux emblématiques ont contribué à faire de Montréal une plaque tournante des musiques alternatives, francophones, rock, jazz et électroniques, en offrant aux artistes un espace de création, de rencontre et de performance. Leur programmation audacieuse et éclectique a permis à plusieurs générations de spectateurs de découvrir de nouveaux sons, tout en renforçant le sentiment d’appartenance à une communauté vibrante et engagée dans la vie culturelle.

Les bars

Les bars de Montréal sont aussi absolument essentiels dans l’histoire des concerts et de la culture de la ville, car ils ont longtemps joué un rôle de tremplin pour les artistes émergents et servi de lieux de création, de diffusion et de rassemblement culturel. Contrairement aux grandes salles institutionnelles, les bars offraient des scènes accessibles, où les musiciens pouvaient tester de nouveaux sons, bâtir un public et créer des liens avec la communauté. Des artistes devenus célèbres comme Jean Leloup, Arcade Fire, Lhasa de Sela, ou encore Coeur de Pirate ont fait leurs débuts dans des petits bars avant de remplir des salles plus prestigieuses.

Historiquement, ces établissements ont aussi permis à des scènes musicales alternatives (punk, folk, indie, métal, électro, etc.) de s’épanouir, souvent en dehors des circuits commerciaux. Des lieux comme Les Foufounes Électriques, Le Quai des Brumes, Casa del Popolo, Le Divan Orange ou L’Escogriffe ont marqué des générations de fans et de créateurs.

Au-delà de la musique, les bars ont été des centres de vie sociale et politique, particulièrement dans des quartiers comme le Plateau, le Mile End ou le Village. Ils ont accompagné des transformations majeures de la société québécoise : la Révolution tranquille, l’émergence de la contre-culture, l’affirmation des identités LGBTQ+, ou encore la montée de la culture indépendante.

En résumé, les bars sont bien plus que de simples lieux de sortie : ils sont les coulisses vivantes de l’histoire musicale et sociale de Montréal, des laboratoires culturels où l’identité artistique de la ville s’est façonnée.

Montréal, trois siècles de spectacles

Ainsi, des premières représentations coloniales à la vibrante diversité contemporaine, Montréal s’est imposée comme l’une des capitales des arts de la scène en Amérique du Nord.

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