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Théâtre Royal (John Molson), Montréal

Première salle exclusivement consacrée au théâtre et aux arts de la scène au Canada et première véritable salle de spectacle à Montréal dotée d’une scène équipée, de coulisses spacieuses et d’un vaste auditorium, le Théâtre Royal ouvre en 1825 et lance un cycle de quatre « Théâtre Royal » successifs (1825-1913) : Royal-Molson, Royal-Olympic, Royal-Hays et Royal-Côté. [1], [3]

1 — Préhistoire du théâtre à Montréal (1774-1825)

Avant 1825, Montréal ne dispose pas d’un théâtre public permanent. Des représentations ont lieu dans des salons privés et des salles improvisées : en 1774, des pièces de Molière sont jouées dans le grand salon du notaire Antoine Foucher, rue Place-d’Armes, aussi connu sous le nom de Café Dillon — espace sombre, chauffé au bois et éclairé à la bougie. En 1804, une salle aménagée à l’étage d’un bâtiment voisin du bureau de poste de la rue Saint-Sulpice sert de « théâtre », mais il ne s’agit que d’une grande pièce dans un entrepôt de pierre. Le premier véritable édifice voué au spectacle ne surgira qu’en 1825 : le Théâtre Royal. [4], [5], [6]

2 — Théâtre Royal-Molson (1825-1844)

Inauguré le 21 novembre 1825 sur la rue Saint-Paul, le Royal-Molson — fondé et financé par John Molson — devient la première salle canadienne exclusivement consacrée au théâtre et aux arts d’interprétation, avec scène équipée, coulisses et auditorium adaptés. La plupart des spectacles sont en anglais. L’édifice à deux étages présente un portique dorique et a coûté environ £7 500 à construire, une somme considérable pour l’époque. [1], [3], [7]

La direction initiale est confiée au tragédien Frederick Brown, dont l’épouse Sophia fait partie de la compagnie ; sa vivacité d’esprit est remarquée par la presse. En 1829, le relais est pris par Vincent De Camp, acteur-directeur passé par le Bowery Theatre de New York. La saison 1829-1830 attire l’anglaise Clara Fisher, véritable star transatlantique dont l’aura inspire les jeunes montréalaises (prénoms, diction, démarche). [7]

Malgré son prestige, le Royal-Molson occupe un site convoité par le projet municipal du Marché Bonsecours. Le théâtre est donc démoli en 1844 (matériaux revendus pour ≈ £150) après une ultime période d’activité qui voit encore passer de grandes vedettes. [2], [7], [22]

3 — Charles Dickens au Royal-Molson (1842)

En mai 1842, Charles Dickens (30 ans), déjà célèbre pour The Pickwick Papers, Oliver Twist, Nicholas Nickleby et The Old Curiosity Shop, séjourne à Montréal (Hôtel Rasco, rue Saint-Paul) et monte lui-même sur la scène du Royal-Molson, à l’invitation de Lord Mulgrave. Il y joue, met en scène et produit un programme de trois pièces en un acte : A Roland for an Oliver, Two O’Clock in the Morning et High Life Below Stairs. La première est « privée » (pour restreindre le public des dames d’officiers), la seconde ouverte au grand public. Les critiques sont élogieuses et cette expérience préfigure ses lectures dramatiques ultérieures. [8], [9]

Dickens mène parallèlement une campagne pour le droit d’auteur (contre le piratage américain), relayée par la presse montréalaise (Montreal Times, Montreal Transcript). « Nous avons fait l’expérience d’un accueil chaleureux impossible à décrire au Canada », écrit-il à John Forster — et plus tard : « Le Canada a occupé et conservera toujours une place de choix dans ma mémoire ». [8], [9], [21]

4 — Théâtre Royal-Olympic (1844-1847)

Dès 1844, un nouvel espace Royal-Olympic ouvre près de Place Jacques-Cartier (côté ouest, vers la rue Notre-Dame). On y réemploie une partie des équipements du premier Royal. Cette salle de transition fonctionne quelques années ; l’édifice sera démoli au profit de l’édifice Joseph-Roy (1852-1853). [1], [3]

5 — Théâtre Royal-Hays (1847-1852)

Intégré au bloc Hays (Moses Judah Hays), le Royal-Hays est inauguré le 10 juillet 1847 au coin de Notre-Dame et du square Dalhousie. Fait marquant : après l’incendie du Parlement de Montréal (25 avril 1849), certaines séances parlementaires du Canada-Uni s’y tiennent temporairement. Le bâtiment disparaît dans un incendie en 1852. [1], [3], [19]

6 — Théâtre Royal-Côté (1852-1913)

Édifié sur la rue Côté (face à l’actuel Palais des congrès), le Royal-Côté (architecte John Wells) accueille jusqu’à 1 500 personnes. Il s’impose comme haut lieu mondain des années 1850-1860, fréquenté par les élites et les troupes européennes/anglaises. Le jeune Calixa Lavallée y donne son premier récital de piano à 13 ans. [10], [11], [12], [14]

La direction est assurée par John Wellington Buckland (1852-1872) dont l’épouse, l’actrice Kate Horn, très respectée, reprend le bail à sa mort. La salle glisse graduellement vers le vaudeville et le burlesque à partir des années 1880 ; divers changements de nom (Royal Theatre Museum, 1884) n’enrayeront pas le déclin. La presse et le clergé dénoncent, au tournant du XXe siècle, certains spectacles jugés indécents (enquêtes, descentes de police, restrictions d’accès aux enfants). Dernière représentation : 23 janvier 1913 (troupe chinoise). L’édifice est finalement démoli en 1922. [10], [16], [17]

7 — Architecture & dispositifs scéniques

Le Royal constitue, dès 1825, un saut qualitatif : scène complète (poutres, trappes, rideaux, éclairage), coulisses et loges dimensionnées pour troupes professionnelles; fosse d’orchestre; deux galeries de loges; portique dorique sur rue; auditorium favorisant vue et acoustique. Les itérations ultérieures (Hays, Côté) modernisent graduellement confort et sécurité (accès, dégagements) pour s’adapter aux travelling companies et aux spectacles populaires. [1], [7], [10]

8 — Directions & personnalités

  • John Molson — fondateur/financeur principal (puis unique), moteur du projet (1825). [1]
  • Frederick Brown — premier directeur (Royal-Molson), avec Sophia Brown (comédienne). [7]
  • Vincent De Camp — directeur à partir de 1829, ex-acteur/manager du Bowery Theatre (NY). [7]
  • John Wellington Buckland — directeur/preneur à bail du Royal-Côté (1852-1872). [10], [15]
  • Kate Horn (Mme Buckland) — actrice saluée, reprend la gestion (1872-1880). [10]
  • Ben De Bar — directeur engagé par Kate Horn après 1872. [10]
  • Charles Dickens — acteur/producteur invité (mai 1842, Royal-Molson). [8], [9]
  • Edmund Kean — grand tragédien anglais cité parmi les vedettes passées au Royal-Côté. [23]
  • Calixa Lavallée — premier récital de piano au Royal-Côté à 13 ans. [14]

9 — Chronologie rapide

  • 1774 — Représentations de Molière chez Antoine Foucher (Café Dillon). [4]
  • 1804 — Salle improvisée rue Saint-Sulpice (au-dessus du bureau de poste). [3]
  • 1825 — Inauguration du Théâtre Royal-Molson, rue Saint-Paul. [1], [7]
  • 1842Charles Dickens joue au Royal-Molson. [8], [9]
  • 1844 — Démolition du Royal-Molson; ouverture du Royal-Olympic. [2], [3]
  • 1847 — Inauguration du Royal-Hays (bloc Hays). [1], [19]
  • 1849 — Séances parlementaires du Canada-Uni au Royal-Hays après l’incendie du Parlement. [19]
  • 1852 — Incendie et fin du Royal-Hays; ouverture du Royal-Côté. [1], [10]
  • 1852-1872 — Direction J.W. Buckland au Royal-Côté; puis Kate Horn. [10]
  • 1880s-1900s — Virage vaudeville/burlesque; controverses et contrôles policiers. [10], [17]
  • 23 janv. 1913 — Dernière représentation (troupe chinoise). [10]
  • 1922 — Démolition de l’édifice du Royal-Côté. [10]

10 — Notes & sources

  1. Encyclopédie Canadienne : Théâtre Royal, 7 févr. 2006 — première salle pro au Canada; cycle Royal-Molson/Olympic/Hays/Côté; dispositifs scéniques.
  2. All your yesterdays, The Gazette, E.A. Collard, 21 juin 1958 — démolition du Royal-Molson; contexte municipal.
  3. Our theatres, then and now, The Montreal Star, Sydney Johnson, 13 mars 1967 — préhistoire & enchaînement des quatre « Royal ».
  4. André G.-Bourassa, « Du théâtre français au début du régime anglais », Cap-aux-diamants (35) — pratiques scéniques 18e siècle.
  5. Les premiers théâtres montréalais, Le Petit Journal, 17 déc. 1939 — lieux précoces (salons, salles improvisées).
  6. Le Théâtre Outremont, La Presse, Guy Pinard, 13 sept. 1987 — rappel du premier édifice dédié (1825).
  7. All our yesterdays, The Gazette, E.A. Collard, 23 sept. 1961 — Brown/Sophia; Vincent De Camp; Clara Fisher; coût £7 500.
  8. Dickens in town, The Gazette, E.A. Collard, 26 déc. 1970 — séjour et jeu de Dickens (mai 1842).
  9. A Montreal debut for the great Charles, The Montreal Star, John Richmond, 13 juin 1970 — droit d’auteur; presse locale; pièces jouées.
  10. Theatre Royal: its rise and fall, The Gazette, E.A. Collard, 30 oct. 1971 — Royal-Côté : Wells, Buckland, Horn; déclin; démolition 1922.
  11. La Presse, Claude Gingras, 10 févr. 2001 — vie musicale; contexte.
  12. La Presse, Luc Perreault, 11 mai 1996 — théâtre et cinéma; usages mixtes.
  13. La Presse, « Un cinquantenaire », 27 nov. 1897 — notations mondaines.
  14. Le Passe-Temps, 1933 v.39 no.864 — Calixa Lavallée au Royal-Côté (premier récital).
  15. The Gazette, E.A. Collard, 12 mars 1988 — « Lincoln’s assassin played Theatre Royal » (réseau de tournées, curiosités historiques).
  16. Historyspin — Le 4e Théâtre Royal (1852-1918) — fin de parcours; réputation.
  17. La Presse, 14 nov. 1901/1983 — enquêtes sur indécence; contrôle policier; accès des enfants.
  18. The Gazette, Julia Maskoulis, 3 juin 1978 — bilan patrimonial; théâtres ultérieurs.
  19. The Gazette, E.A. Collard, 20 juil. 1974 — Moses Judah Hays; contexte du bloc.
  20. Uppercanadahistory.ca — Dickens au Canada (citation mémorielle).
  21. The Gazette, 13 juil. 1844 — engagement de W.C. Macready au Royal-Molson (ultime vedette).
  22. Al Palmer, Montreal Confidential, p.61-62 — Edmond/Edmund Kean; notations scéniques et anecdotes.
  23. Al Palmer, Montreal Confidential, p.63 — burlesque/« hoochy-coochy » et descente.
1829
MARRIAGE OF FIGARO
MARRIAGE OF FIGARO

Source: The Gazette, 18 septembre 1829, division Postmedia Network Inc.

Lieu: Théâtre Royal

CLARA FISHER : THE WONDER
CLARA FISHER : THE WONDER

Source: The Gazette, 3 août 1829, division Postmedia Network Inc.

Lieu: Théâtre Royal

1825
ADELGITHA
ADELGITHA

Source: The Gazette, 10 décembre 1825, division Postmedia Network Inc.

Lieu: Théâtre Royal

HAMLET
HAMLET

Source: The Gazette, 3 décembre 1825, division Postmedia Network Inc.

Lieu: Théâtre Royal

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