Down Beat / Tropical Room / PJ’s (Montréal)
Cabaret de la rue Peel ouvert en 1951, lié au milieu montréalais du show-business et du crime organisé, le Down Beat et sa salle adjacente, le Tropical Room, sont devenus des lieux pionniers pour la communauté LGBTQ+ et des étapes marquantes de la vie nocturne montréalaise.
1. Présentation générale
Le cabaret Down Beat, anciennement connu sous le nom de Club Belmar, occupait le 1422-1424, rue Peel, en plein centre-ville de Montréal, face à l’Hôtel Mont-Royal [1]. Inauguré en 1951, il devient rapidement un lieu de prédilection pour celles et ceux qui veulent manger, danser et voir un spectacle.
Le Down Beat incarne l’une des facettes les plus glamour – mais aussi les plus troubles – du Montréal nocturne, à la croisée du show-business, du crime organisé et, avec le Tropical Room, de l’émergence des lieux LGBTQ+.
2. Inauguration & débuts (1951-1952)
Le Down Beat ouvre officiellement ses portes le 19 décembre 1951 [2]. La première vedette à fouler la scène est le chanteur et comédien Leon Fields, accompagné de la chanteuse-pianiste Paula Watson [3].
Une seconde soirée d’ouverture officielle est organisée le 9 janvier 1952. Cette fois, l’affiche est composée du comédien Lou Seiler, du Nick Martin’s Orchestra et du Bob Hahn Quartet [4]–[6].
3. Un cabaret couru & ses coulisses
Le Down Beat s’impose comme une destination prisée du centre-ville. On y vient pour manger, danser et profiter de spectacles mêlant musique, humour et variétés. L’établissement se distingue par un bar central somptueux, offrant une vue dégagée sur la scène [6].
En 1952, les propriétaires officiels sont Raymond Lafontaine, Alcide Léber et Gary Ball, ce dernier devenant par la suite un bookmaker connu de Montréal [7], [8].
Le véritable maître des lieux est souvent considéré comme Solomon Schnapp (alias Solly Silver), un acteur influent du crime organisé montréalais, et le Down Beat a servi de façade à diverses activités illégales [9]–[12].
4. Le Tropical Room : pionnier pour la communauté LGBTQ+
En 1952, une salle adjacente prend le nom de Tropical Room. Cet espace devient l’un des premiers établissements ouvertement homosexuels à Montréal [14], [15].
Des artistes comme Armand Larrivée (alias La Monroe) y proposent des spectacles destinés à une clientèle homosexuelle, marquant un tournant dans l’histoire des bars LGBTQ+ canadiens [21], [22].
Le 27 août 1959, sous l’impulsion de Larrivée, le Tropical Room devient le **premier lieu à Montréal où des hommes peuvent danser ensemble** [21].
5. Glam rock, punk et collision culturelle (1974-)
Quelques jours avant leur concert au Palais du Commerce à Montréal le 27 septembre 1974, les New York Dolls furent accueillis au PJ’s par Armand Larrivée (alias « La Monroe »), maître de cérémonie travesti-pionnier du club. [36]
Cette réception créa un pont entre le monde des cabarets drag/travestis et celui du rock glam/punk, faisant du PJ’s un lieu hybride d’expérimentation visuelle, musicale et sociale.
Le club PJ’s servait d’espace où se croisaient drag queens, rockeurs, amateurs de glam et précurseurs du punk québécois. Des groupes comme Les 222 ou Danger puisèrent inspiration et visibilité dans cette ambiance underground — et c’est ici que certains éléments du punk montréalais prennent racine. [36]
6. Déclin, répression policière & incendie criminel
Le climat reste hostile. En 1963, une descente de police vise le Tropical Room. Plusieurs hommes sont arrêtés pour « actes indécents », montrant la discrimination à l’égard de la communauté LGBTQ+ [24].
En 1965, un incendie criminel détruit partiellement l’établissement. Les enquêteurs privilégient la thèse d’un règlement de comptes lié à la pègre [25], [26].
En 1968, Solly Silver se retire ; il vend l’emplacement et le nom du Down Beat [27], [28].
7. Du Down Beat au PJ’s & PJ’s Tropical Room
Le 30 janvier 1969, le cabaret rouvre sous le nom de PJ’s, repositionné comme un club de musique country & western (avec notamment Dougie Trineer à l’affiche) [29]. Malgré ce repositionnement, l’ambiance reste ancrée dans la vie nocturne marginale et fait l’objet d’une attention policière [30], [31].
En 1972, le cabaret devient PJ’s Tropical Room, haut lieu du spectacle de drag-queens à Montréal [32], [33].
Selon le propriétaire Al Simpkin, le PJ’s était « plus facile à gérer qu’un bar traditionnel », sans videurs grâce à une ambiance bon enfant [34].
En 1989, le PJ’s ferme définitivement. L’immeuble se transforme ensuite en restaurant Carlos and Pepe’s, actif jusqu’en 2022 [35].
8. Héritage culturel & social
L’histoire du Down Beat, du Tropical Room et de leurs avatars (PJ’s, PJ’s Tropical Room, Carlos and Pepe’s) résume à elle seule plusieurs dimensions de la vie nocturne montréalaise entre les années 1950 et 1980 :
- l’âge d’or des cabarets du centre-ville ;
- les liens entre certains établissements et le crime organisé ;
- l’émergence de lieux de sociabilité homosexuelle et de spectacles de drag ;
- la répression policière et sociale envers les personnes LGBTQ+ ;
- la reconversion des anciens cabarets en restaurants et clubs « grand public ».
De cabaret chic à lieu pionnier pour la communauté LGBTQ+, le Down Beat et le Tropical Room occupent une place singulière dans l’histoire culturelle et sociale de Montréal, à la croisée du divertissement, de la marginalité et des luttes pour la visibilité.
9. Notes & sources
- « New cabaret opens on Montreal circuit », The Gazette, 21 décembre 1951.
- « Opening new club tonight », The Gazette, 19 décembre 1951.
- « L’oiseau de nuit », Le Petit Journal, 23 décembre 1951.
- « Downbeat bar open », The Gazette, 24 décembre 1951.
- « Official opening Downbeat January 9 », The Gazette, 7 janvier 1952.
- « New cabaret opens on Montreal circuit », The Gazette, 21 décembre 1951.
- « Down Beat Ltée », Gazette officielle du Québec, 14 juin 1952, BAnQ.
- Michel Auger, « 10 000 $ d’amende et 6 mois de prison pour l’un des plus gros ‘’bookies’’ de Montréal », La Presse, 22 avril 1971.
- Gérald Godin, « Solly Schnapp, associé de Dupuis, comparaîtra à l’enquête sur le crime organisé », Québec-Presse, 30 novembre 1973.
- Jean-Pierre Charbonneau, « Soupçonné du trafic d’héroïne Frank d’Asti est arrêté à New York », Le Devoir, 22 décembre 1972.
- « Le nouveau restaurant Hi-Ho ouvre aujourd’hui », Montréal-Matin, 13 janvier 1950.
- Michel Auger, « Enquêtes sur des cadeaux à des fonctionnaires de la SAQ », La Presse, 19 décembre 1975.
- Pierre De Champlain, Le crime organisé à Montréal (1940-1980).
- « Armand La Monroe Larrivée », Everybodywiki.
- « Sortir à Montréal », L’Itinéraire, 1er janvier 2019.
- Roland Côté, « Montréal continue d’être l’une des capitales du show-business en Amérique », Le Petit Journal, 3 janvier 1954.
- « Show Business », The Gazette, 18 février 1961.
- « Show Business », The Gazette, 17 décembre 1954.
- Coolopolis, billet de blogue sur le Down Beat (consulté en 2022).
- « 57 cafés et boîtes de nuit placés sur la liste noire », La Patrie, 5 juin 1956.
- Maryse Bédard, « Armand Larrivée Monroe révolutionne les spectacles gais », Mémoires des Montréalais.
- Richard Burnett, « Drag isn’t always a race », The Gazette, 30 juillet 2022.
- « Montreal by night », La Patrie, 13 septembre 1962.
- Pierre Léger, « L’homosexualité crime ou maladie ? », L’Hebdo des Canadiens français, 16 mai 1963.
- « Downbeat : Les pompiers croient à un incendie d’ordre criminel », La Presse, 25 octobre 1965.
- « La po




