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Jazz-Bar 20-80 (Montréal)

Club de jazz intimiste de Montréal, actif de la seconde moitié des années 1980 au début des années 1990, réputé pour son ambiance de « timbre-poste enfumé » et pour avoir servi de laboratoire de création à plusieurs des plus importants musiciens de jazz de la ville, aux côtés de pointures internationales.[1], [5]

1. Présentation

Le Jazz-Bar 20-80 (1985-1992) est un important club de jazz montréalais situé au 2080, rue Clark. À la fin des années 1980, il est considéré comme le club de jazz par excellence : une salle minuscule, « de la taille d’un timbre-poste, enfumée, humide et faiblement éclairée », fréquentée par une faune bigarrée où l’on croisait parfois des figures associées à « la pègre ». Malgré un décor sans prétention, presque aucun aménagement et peu de moyens, le 20-80 attire soir après soir les meilleurs musiciens de jazz de la ville, et finit par se tailler une réputation disproportionnée à sa taille.[1], [3]

2. Origines & contexte

Le club est fondé au milieu des années 1980 par Dino Burazerovic, originaire de Yougoslavie, arrivé à Montréal en 1976. Avant de se lancer dans le milieu des bars et du jazz, Burazerovic est entrepreneur dans le domaine de l’isolation, à la tête d’une petite entreprise de treize employés et deux camions. Lorsque l’on découvre la présence de formaldéhyde dans l’isolant qu’il utilise – malgré l’aval initial des autorités – une série de poursuites judiciaires finit par avoir raison de son entreprise. Il perd presque tout, à l’exception d’un petit immeuble sur la rue Clark où il décidera d’ouvrir le Jazz-Bar 20-80 au rez-de-chaussée, tout en logeant sa famille à l’étage.[2]

Pour soutenir financièrement le projet, sa femme Emira travaille comme barmaid sur la rue Saint-Denis et, certains soirs, rapporte davantage en pourboires que ce que le bar génère en ventes. Burazerovic, qui peint également à l’huile, vend à l’occasion ses toiles afin d’aider à payer les musiciens et maintenir la programmation du club.[2]

3. Positionnement & programmation

Sous l’impulsion du guitariste Michael Gauthier, qui en devient le programmateur naturel et le directeur musical officieux, le Jazz-Bar 20-80 se transforme progressivement en un « laboratoire de création » pour le jazz montréalais. Gauthier structure la programmation, organise des jam sessions régulières et invite des musiciens étrangers à partager la scène avec d’excellents instrumentistes locaux, créant un lieu d’échanges particulièrement fertile pour le jazz d’ici.[5]

Malgré la taille réduite de la salle, plusieurs pointures internationales viennent y jouer : les saxophonistes David Liebman et Clifford Jordan, le tromboniste Curtis Fuller, le batteur Marvin « Smitty » Smith, ainsi que les saxophonistes Jimmy Heath, Joe Lovano, Steve Grossman, le guitariste Sonny Greenwich et le pianiste Barry Harris, entre autres. Cette proximité entre public et musiciens – dans un club ne pouvant accueillir qu’une poignée de personnes – contribue à la légende du 20-80 dans la mémoire des amateurs de jazz montréalais.[3], [5]

4. Caractéristiques & ambiance

Le Jazz-Bar 20-80 est souvent décrit comme un bar miteux au « décor moche », sans service de restauration et doté d’une courte liste de boissons. Quelques habitués hauts en couleur, certains associés au milieu interlope, complètent le tableau. En soi, peu d’éléments incitent à s’y arrêter, si ce n’est la musique qui, elle, atteint un niveau rarement égalé en si petit format de salle. C’est précisément ce contraste entre la modestie du lieu et la qualité des performances qui contribue à la singularité du 20-80 dans le paysage montréalais de l’époque.[1], [3]

Le club fonctionne comme un bar de quartier à haute intensité musicale : on s’y rend d’abord pour entendre des musiciens de haut calibre dans un environnement intime, loin de l’image des grandes salles de spectacle. Cette vocation de « laboratoire » pour le jazz moderne et post-bop montréalais en fait un lieu de passage obligé pour de nombreux instrumentistes de la scène locale.[5]

5. Chronologie rapide

  • 1985 — Ouverture du Jazz-Bar 20-80 au 2080, rue Clark, dans un petit immeuble dont le propriétaire, Dino Burazerovic, occupe également l’étage avec sa famille.[2], [5]
  • 1985-1989 — Le club s’impose comme un spot central de la scène jazz montréalaise, grâce à la programmation de Michael Gauthier et à l’accueil de nombreux musiciens locaux et internationaux.[5]
  • 28 novembre 1989 — La Ville de Montréal ferme le Jazz-Bar 20-80 en appliquant un règlement de zonage : le terrain est zoné résidentiel et le bar fonctionne sans permis conforme, malgré une demande de longue date et plusieurs amendes imposées au propriétaire.[4], [5]
  • 11 mars 1990 — Réouverture du 20-80. Le guitariste Mike Gauthier est à l’avant-plan de la relance et la semaine suivante, le saxophoniste Yannick Rieu est programmé au club, qui poursuit sa lutte pour une réouverture définitive.[3], [6]
  • Début des années 1990 — Le Jazz-Bar 20-80 cesse progressivement ses activités sous ce nom, après avoir marqué une génération de musiciens et de mélomanes montréalais.[5]
  • Novembre 1993 — Le local du 2080, rue Clark devient le Café Sarajevo, appelé à son tour à devenir un haut lieu de la bohème montréalaise.[7]

6. Notes & sources

  1. [1] « Drummer », site d’Andre White – description de l’ambiance du 20-80 (timbre-poste enfumé, humidité, éclairage, clientèle) : http://andrewhite.ca/drummer.html
  2. [2] « 9pm to 5 am », The Gazette, 12 avril 1986 – portrait de Dino Burazerovic, du scandale du formaldéhyde et de la fondation du club au 2080, rue Clark.
  3. [3] « Jazz », The Gazette, 9 mars 1990 – réouverture du 2080, description du décor, de la carte de boissons et de la programmation.
  4. [4] « Club closings spell winter of discontent for jazz musicians », The Gazette, 14 janvier 1990 – fermeture du club par la Ville de Montréal, question du zonage résidentiel et des amendes.
  5. [5] « Hélas, le 2080 est fermé », La Presse, 10 décembre 1989 – rôle de laboratoire de création, importance de Michael Gauthier et liste des musiciens invités.
  6. [6] « Le 2080 ouvre à nouveau », La Presse, 11 mars 1990 – réouverture du 20-80, présence de Mike Gauthier et programmation de Yannick Rieu.
  7. [7] « A taste of Sarajevo », The Gazette, 27 décembre 1993 – transformation du 2080, rue Clark, en Café Sarajevo et rôle du lieu dans la bohème montréalaise.

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