Théâtre des Variétés (Montréal)
Ancien cinéma burlesque et théâtre populaire situé sur l’avenue Papineau, fondé par Gilles Latulippe en 1967 dans l’ancien Théâtre Dominion, aujourd’hui reconverti en salle de spectacles La Tulipe.
1. Présentation générale
Le Théâtre des Variétés est un théâtre populaire montréalais fondé en 1967 par l’humoriste et comédien Gilles Latulippe, dans l’ancien Théâtre Dominion, au 4530, avenue Papineau. Il est rapidement devenu un lieu emblématique de la tradition du burlesque et du vaudeville francophone au Québec, avant d’évoluer au début des années 2000 en salle de spectacles connue sous le nom de La Tulipe. [1], [2], [6]
2. Théâtre Dominion (1913–1966)
Le Théâtre Dominion est construit entre 1913 et 1919 d’après les plans de l’architecte Joseph-Arthur Godin pour la compagnie Confederation Amusement Limited, détenue par les familles Lawand et Tabah, d’origine libanaise. Cette société de distribution et d’exploitation cinématographique érige plusieurs salles phares de Montréal, notamment les cinémas Château, Maisonneuve, Laurier Palace, Empress, Cartier et Outremont. [2], [8], [9]
Initialement conçu comme salle de projection de « vues animées », le Dominion est adapté pour le cinéma parlant en 1929. Dès 1932, il accueille de nombreuses troupes de burlesque, tout en maintenant une programmation de films comiques. Après le déclin du burlesque dans les années 1950, la salle redevient un cinéma à temps plein jusqu’en 1965. [2], [8]
La vocation du bâtiment change à plusieurs reprises : il est brièvement transformé en église par les Témoins de Jéhovah, sous le nom d’Emmanuel Church, puis devient le cinéma Figaro en 1966, juste avant son acquisition par Gilles Latulippe. [2], [8]
3. Naissance du Théâtre des Variétés (1967)
Humoriste, comédien et scénariste, Gilles Latulippe (1937–2014) rachète l’ancien cinéma Figaro et entreprend de le transformer en un théâtre dédié au burlesque et à la comédie populaire. Il le rebaptise Théâtre des Variétés et en assure la direction artistique et administrative. [1], [2]
L’ouverture officielle a lieu le 23 septembre 1967. Ce soir-là, l’avenue Papineau est complètement bouchée : les voitures tournent pour trouver du stationnement et une foule importante fait la file devant le théâtre dès 19 h. Un policier, interrogé par un touriste surpris, résume la situation : « C’est l’ouverture du Théâtre des Variétés ! ». [3], [4]
Cette inauguration, orchestrée pour faire revivre l’âge d’or du burlesque francophone jadis présenté au Théâtre National, réunit les grandes figures du genre : Paul Berval, Olivier Guimond, Denis Drouin, Paul Desmarteaux, Jean Grimaldi (maître de cérémonie), ainsi qu’une nouvelle génération de comédiens, dont Andrée Champagne, Lise Chénier, Fernand Gignac, Jen Roger et Paolo Noël. Le gala d’ouverture, tenu sur deux jours, affiche complet à chaque représentation. [3], [4]
C’est Juliette Béliveau qui donne le coup d’envoi officiel en frappant les trois coups traditionnels avec le « brigadier », tandis que sur scène, Olivier Guimond, Denis Drouin et Paul Berval font éclater de rire un public au point où eux-mêmes ont du mal à conserver leur sérieux. [3], [4]
4. Burlesque et vaudeville au Théâtre des Variétés
Tout au long des années 1960 et 1970, le Théâtre des Variétés présente des vaudevilles, des comédies légères et divertissantes, riches en intrigues et en rebondissements. La salle accueille certains des comédiens les plus marquants de la scène populaire québécoise, notamment Juliette Béliveau (1889–1975), Juliette Huot (1912–2001), Rose Ouellette dite « La Poune » (1903–1996) et Olivier Guimond (1914–1971). [2]
Le Théâtre des Variétés devient ainsi un refuge majeur du burlesque et de la comédie populaire à Montréal, à une époque où ce genre décline dans la plupart des autres salles. La formule évolue au début des années 1970, alors que disparaissent les derniers grands artistes du burlesque montréalais. Gilles Latulippe se met à écrire des revues et des comédies musicales, souvent en collaboration avec Monique Saintonge et Vic Vogel, en y intégrant des éléments empruntés au répertoire classique du burlesque. [2]
Pendant plusieurs décennies, le théâtre fonctionne à un rythme soutenu : spectacles sept soirs par semaine, programme renouvelé chaque semaine et parfois deux représentations le samedi. On estime que la salle présente environ 7 000 représentations en 33 ans, sans subventions publiques, sous la direction de Gilles Latulippe. [2], [5]
5. Fermeture, archives et reconnaissance patrimoniale
En mai 2000, le Théâtre des Variétés ferme ses portes. La décision est attribuée à la difficulté de trouver une relève pour perpétuer ce style de théâtre burlesque, combinée au décès récent de deux figures clés de l’établissement, Michel Legault (directeur général) et John Kelly (responsable des ateliers de décors et costumes). Le fils de Gilles, Olivier Latulippe, ne souhaite pas reprendre la gestion de la salle. [5]
Le théâtre aura néanmoins survécu 33 ans sans subventions, sous la direction de Gilles Latulippe. Le 22 février 2001, l’immeuble est reconnu comme immeuble patrimonial par le ministère de la Culture et des Communications. En 2012, cette reconnaissance est convertie en classement avec l’entrée en vigueur de la Loi sur le patrimoine culturel. [2]
Le fonds d’archives du Théâtre des Variétés est conservé au Centre d’archives de Montréal de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). [2]
6. Devenu La Tulipe (2004– )
Au début des années 2000, le Théâtre des Variétés est brièvement renommé Cabaret du Plateau en hommage à Gilles Latulippe. En 2004, la salle est reprise par la compagnie Larivée Cabot Champagne, qui la rebaptise La Tulipe. [6]
La Tulipe propose une programmation centrée sur les concerts de rock, de jazz, de variétés, de chanson francophone et des soirées dansantes. L’artiste Dumas est le premier à s’y produire sous ce nom. Au fil des ans, la salle accueille de nombreux artistes et groupes locaux et internationaux, dont Les Cowboys Fringants, The Black Keys, Malajube, Simple Plan, Les Breastfeeders, Jon Spencer Blues Explosion, Feist, The Libertines, TV on the Radio et Bloc Party. [6], [7]
Le 24 septembre 2024, la direction de La Tulipe annonce la suspension de ses activités, à la suite d’un avis de la Ville stipulant que la salle « ne doit plus émettre de bruit audible » en vertu du règlement sur le bruit du Plateau-Mont-Royal. Cette situation remet en question la poursuite, sous sa forme actuelle, de la vocation de salle de concerts dans l’ancien Théâtre des Variétés. [10]
7. Notes & sources
- Wikipedia — Gilles Latulippe.
- Répertoire du patrimoine culturel du Québec — Théâtre des Variétés / ancien Théâtre Dominion.
- Gilles Latulippe inaugure son Théâtre des Variétés devant une salle comble, Télé-Radiomonde, 7 octobre 1967.
- Au gala d’ouverture du Théâtre des Variétés, Télé-Radiomonde, 23 septembre 1967.
- Caroline Montpetit, « Le rideau tombe sur le Théâtre des Variétés », Le Devoir, 5 février 2000.
- Wikipedia — La Tulipe.
- Setlist.fm — concerts et artistes passés à La Tulipe.
- Grand répertoire du patrimoine bâti de Montréal — fiche Théâtre Dominion.
- « Nouveau théâtres pour la patrie », La Presse, 27 septembre 1913.
- Isabelle Ducas, « La Tulipe ferme, la Ville cherche une solution », La Presse, 24 septembre 2024.







