Skip to main content
search

Biddle’s Jazz & Ribs (Montréal)

Club-table emblématique fondé en 1981 par le contrebassiste Charlie Biddle et l’entrepreneur Georges (George) Durst, situé au 2060, rue Aylmer au centre-ville. Berceau de l’actuel House of Jazz, l’établissement a contribué à structurer la scène jazz montréalaise des années 1980–1990 grâce à sa formule souper-spectacle, à son trio maison et à l’aura de son fondateur.

1. Présentation

Né au début des années 1980, Biddle’s Jazz & Ribs s’impose rapidement comme l’un des clubs de jazz les plus influents du centre-ville de Montréal, autant pour la qualité de sa programmation que pour sa formule souper-spectacle. Le contrebassiste Charlie Biddle y tient un rôle central : il y dirige un trio maison, joue fréquemment sur scène et attire autour de lui de nombreux instrumentistes prometteurs, faisant du Biddle’s un véritable lieu-école pour la relève jazz.

Situé au 2060, rue Aylmer, l’établissement occupe une adresse stratégique au cœur du centre-ville, à proximité des universités et des grands hôtels. La salle, à mi-chemin entre le club de jazz intimiste et le restaurant thématique, devient un point de chute privilégié pour les mélomanes, les touristes et les habitués de la vie nocturne montréalaise.

2. Origines de Georges Durst

En 1957, le jeune Alsacien Georges Durst, 22 ans, ingénieur forestier de formation, traverse l’Atlantique à bord d’un bateau en rêvant aux grands espaces canadiens. Embauché par la compagnie Irving Pulp & Paper, il se retrouve rapidement sans emploi lorsque l’entreprise congédie 8 000 personnes en une seule journée. Cette rupture le pousse vers l’hôtellerie et la restauration, où se révèle son véritable terrain de jeu.

Durst devient d’abord bagagiste dans un hôtel des Laurentides, puis barman au Troïka, réputé restaurant russe de Montréal. C’est là qu’il découvre, en coulisse, sa passion durable pour le divertissement nocturne, l’ambiance de club et la mise en scène d’expériences festives qui marqueront profondément la vie nocturne montréalaise.

3. Expansion & empire Durst

À 29 ans, Georges Durst ouvre son premier bar, le Don Juan, avec son associé Johnny Vago. Il fonde ensuite un second établissement face au légendaire Club Playboy de la rue Aylmer : George’s, qui deviendra plus tard Maxwell, puis Biddle’s, et finalement le House of Jazz. On y vient de partout pour prendre part à ses tournois de backgammon, fréquentés par le jet-set montréalais. Durst se distingue déjà par son talent à concevoir des décors théâtraux et des atmosphères inoubliables.

Dans les années 1970, Durst règne sur une bonne part de la vie nocturne montréalaise, opérant près d’une vingtaine d’établissements animés. Il participe au développement d’artistes de premier plan : Gino Vannelli fait ses débuts au Dominique’s, tandis que Tiffany, sur la rue Crescent, sert de tremplin à Charlie Biddle. Des vedettes internationales comme Joe Dassin et David Bowie choisissent ses établissements pour leurs cocktails de presse.

À partir des années 1980, alors que les baby-boomers s’assagissent, Durst mise de plus en plus sur des concepts associant restauration et expériences musicales. Dans le Vieux-Montréal, il regroupe ainsi trois établissements : Les Serres (musique classique), Bijou (jazz, soul, R&B) et Monte Carlo, club privé fréquenté par des personnalités comme Pierre Elliott Trudeau et Charles Aznavour. En 1986, ce dernier devient un restaurant slave, Zhivago, inauguré par Omar Sharif et son fils Tarek.

Le succès des poulets et côtes levées à la louisianaise servis au Biddle’s inspire ensuite la création de la chaîne La Cage aux Sports. En une dizaine d’années, Durst en ouvre 43 succursales, ce qui lui vaut le titre de « Meilleur créateur d’emplois au Canada » en 1987, puis de « Restaurateur de l’année » en 1993. Il inscrit même son entreprise à la Bourse de Montréal sous le nom de Sportscène.

Personnage public éclectique, philanthrope et collectionneur d’art passionné, Durst expose ses acquisitions exotiques dans plusieurs de ses établissements — jusqu’à suspendre de véritables avions de taille réelle dans certains restaurants de la chaîne La Cage aux Sports. Il investit également dans l’immobilier (par exemple l’Usine Mont-Royal), la finance, la haute technologie et le cinéma (Ciné-Cité St-Hubert, Décors Paramount). Toujours tourné vers l’international, il rêve en 2006 de décliner la marque Maison du Jazz à Hong Kong, Moscou, Paris et ailleurs dans le monde. Georges Durst décède en 2018.

4. Histoire & rôle du Biddle’s

C’est dans cette trajectoire d’expansion et d’innovation que s’inscrit, en 1981, la création de Biddle’s Jazz & Ribs. Le club-table, conçu comme un lieu de souper-spectacle à l’ambiance chaleureuse, devient rapidement un pôle majeur du jazz montréalais. Charlie Biddle y dirige un trio maison, ce qui assure une présence musicale constante et de haut niveau, et contribue à propulser des carrières d’artistes locaux ainsi qu’à attirer des musiciens de passage.

L’établissement conserve la même adresse sur la rue Aylmer tout en évoluant dans sa forme et son image pour devenir, avec le temps, le House of Jazz. Cette continuité permet de prolonger la vocation du lieu : offrir un espace où l’on vient autant pour l’expérience gastronomique que pour l’écoute attentive du jazz live. Pour de nombreux Montréalais, Biddle’s représente le chaînon historique entre les clubs intimistes des décennies précédentes et les maisons de jazz contemporaines.

5. Litige autour du nom & transition vers House of Jazz (2003–2005)

Le passage du Biddle’s au House of Jazz s’accompagne d’un important conflit juridique. Le 3 juillet 2003, La Presse publie un article intitulé « Le Biddle’s passe du jazz à la cour » : on y apprend que la famille du contrebassiste Charles (Charlie) Biddle, décédé en février 2003, a obtenu de la Cour supérieure une injonction interlocutoire interdisant au Club de jazz Biddle Inc. et à son propriétaire Georges Durst d’utiliser « le nom et l’effigie du défunt » en relation avec l’établissement de la rue Aylmer.

Dans son jugement rendu le 23 juin 2003 et maintenu par la Cour d’appel deux jours plus tard, la juge Claudette Picard rappelle que les membres de la famille Biddle ont le droit d’empêcher que des tiers « se rattachent à leur maison » sans leur consentement. L’article souligne qu’« on ne cherche plus le Biddle’s : il y a toujours un resto-jazz au coin d’Aylmer et Président-Kennedy, mais la place s’appelle désormais House of Jazz » et que le nom Biddle ne figure plus sur la devanture.

L’article revient également sur l’entente d’origine : en 1981, Biddle avait signé avec Durst une convention l’autorisant à utiliser son nom pour une boîte de jazz, en échange d’une somme annuelle de 5 000 $. Selon l’avocat de la famille, Me Éric P. Goyette, le contrat a pris fin quelques années avant la mort du musicien. « Le restaurant n’a jamais appartenu aux Biddle », précise en conférence de presse Constance Biddle, veuve du contrebassiste, en rappelant le souhait de la famille de voir respecter « les usages et l’intégrité » associés au nom.

Les cinq héritiers — Constance, Charles Jr., Stephanie, Sonya et Tracy — réclament chacun des dommages d’environ 15 000 $. Ils envisagent même d’ouvrir un nouvel établissement portant leur nom. Ce contentieux débouche, en 2005, sur un règlement : la famille obtient une indemnité de 30 000 $ et le nom Biddle, ainsi que l’effigie du musicien, doivent être retirés de la promotion et de la façade du club, désormais exploité sous la bannière House of Jazz.

6. Ambiance & particularités

  • Esprit chaleureux, atmosphère feutrée, décors évocateurs avec une forte inspiration louisianaise.
  • Formule souper-spectacle : association étroite entre restauration et jazz live, où l’on dîne en assistant au concert.
  • Trio maison dirigé par Charlie Biddle, qui donne au lieu une identité sonore forte et reconnaissable.
  • Programmation régulière portée par les réseaux d’artistes de Biddle et de Durst, favorisant la circulation de musiciens locaux et internationaux.
  • Adresse centrale facilitant un public mixte : étudiants, mélomanes, touristes, gens d’affaires.

7. Héritage

Biddle’s Jazz & Ribs occupe une place importante dans la mémoire culturelle de Montréal. Le club est à la fois :

  • un emblème du jazz local des années 1980–1990 ;
  • un creuset d’artistes, où de nombreux musiciens ont affiné leur art au contact de Charlie Biddle ;
  • la véritable fondation du futur House of Jazz, qui perpétue sa vocation musicale et gastronomique ;
  • un point d’ancrage dans le parcours fulgurant de Georges Durst, l’un des bâtisseurs les plus influents de la vie nocturne québécoise.

À travers l’histoire de Biddle’s et du litige entourant l’usage du nom, on lit aussi celle de la scène jazz montréalaise moderne : affirmation des droits des artistes sur leur image, institutionnalisation du souper-spectacle, professionnalisation des lieux d’écoute et émergence de clubs capables d’attirer à la fois la clientèle locale et internationale.

8. Notes & sources

  1. La Presse, Daniel Lemay, « Le Biddle’s passe du jazz à la cour », 3 juillet 2003.
  2. Canadian Press — dépêches sur le règlement avec la famille Biddle (2005).
  3. JazzFM — dossier biographique Charlie Biddle.
  4. Music History Museum of Montreal — fiche sur Biddle’s Jazz & Ribs.
  5. La vraie vie — « Le rêve ultime de Georges Durst ».
  6. The Canadian Encyclopedia — notice biographique de Charlie Biddle.
  7. Presse locale et témoignages d’époque sur la vie nocturne montréalaise.

↑ Retour en haut

1981
CHARLIE BIDDLES & OLIVER JONES
CHARLIE BIDDLES & OLIVER JONES

Source: The Gazette 13 novembre 1981, division de Postmedia Network Inc. Newspapers.com, une division de Ancestry.

Loading