Club Soda, 5240 Ave du Parc, Montréal (1982-1999)

Le 21 février 1983, a lieu la première soirée des Lundis des Ha! Ha! au Club Soda, un événement de stand-up, un genre alors nouveau au Québec. Les soirées sont animées par les personnages Ding et Dong, incarnés par Serge Thériault et Claude Meunier. Entre 700 et 800 personnes assistent à cette première, tandis que plus de 400 personnes doivent rebrousser chemin, la salle affichant complet. La popularité de ces soirées contribue grandement au succès du Club Soda, qui devient un véritable tremplin pour de nombreux humoristes aujourd’hui reconnus, tels que Ding et Dong, Pierre Verville, Daniel Lemire, André-Philippe Gagnon, le Groupe Sanguin, Les Bananélectrik, Jean-Michel Dufaux, Rock et Belles Oreilles et Michel Courtemanche.¹

À l’automne 1983, le Club Soda rencontrent des difficultés importantes qui menacent sa survie, une dette de 100 000 $ et des plaintes des résidences voisines contre le bruit. Michel Sabourin et Rubin Fogel, deux producteurs réputés, s’associent alors à Martin Després pour investir dans le Club Soda et le maintenir en vie. En 1985, ils deviennent copropriétaire du Club Soda.¹

Jusqu’en 1999, année où le Club Soda quittera l’avenue du Parc, le Soda a reçu des artistes tels que Jeff Buckley, The Tragically Hip, Lenny Kravitz, Ben Harper, Soundgarden, Oasis, The Pogues, White Zombie, Me Mom & Morgentaler, Vilain Pingouin, Les BB, Les Colocs, Jean Leloup, et plusieurs autres.²

Le Club Soda reprend vie le 21 mars 2000 avec un spectacle de l’humoriste Patrick Huard dans un bâtiment situé au coin du boulevard Saint-Laurent et de la rue Saint-Catherine reconstruit sur mesure au coût de 3.5 millions de dollars.⁴

Le bâtiment en question a été construit en 1870, bien avant que le boulevard Saint-Laurent devienne l’axe commercial et culturel important qu’il est aujourd’hui. Le boulevard Saint-Laurent a effectivement commencé à se développer au début du 19e siècle, mais sa transformation en un boulevard structuré, comme nous le connaissons, a pris plusieurs décennies. L’édifice du Club Soda, en tant que structure, a donc précédé l’aménagement urbanistique plus officiel du boulevard.⁶

Le site possède également une histoire commerciale : le magasin Dufort Frères (235-237 Saint-Laurent), spécialisé dans la vente de vêtements pour hommes, a ouvert ses portes le 19 mai 1894, succédant à Boisseau Frères, qui y était établi depuis 1881.⁶

Maison Dufort Frères, 235-237 Saint-Laurent, Montréal (1894)

Le bâtiment actuel du Club Soda a abrité plusieurs établissements au fil des années, dont le Cinéma Cristal (Crystal Palace Theatre) de 1908 à 1983, géré par la famille Dufort, puis le cabaret New Orleans depuis 1991.^2,3,6,8

Midway et Crystal, boulevard Saint-Laurent, Montréal

Selon un étude publié par la Bibliothèque Nationale du Québec en 1963 : « Le cinéma Cristal desservaient principalement la classe de la population économiquement faible. Ils offraient trois films de long métrage et vendaient le billets 0.30$, avant une heure l’après-midi. Cela permettait aux chômeurs, aux alcooliques, aux vieillards, à tous ceux qui sont perdus et pauvres dans le coeur de la ville d’occuper une partie de leur temps à bon marché. »⁹

Les herbes rouges, No.113-115, 1983, BAnQ

Le 18 juillet 1993, un incendie a complètement détruit le cinéma Ève, situé à l’intersection des rues Sainte-Catherine et Saint-Laurent. À l’exception de quelques amateurs de films pour adultes, on peut supposer que la disparition de cet établissement, réputé pour ses projections « regardées d’une seule main », ne risque pas de faire pleurer grand monde à Montréal.¹⁰

Pour des historiens de l’art et autres observateurs sérieux de notre passage à la modernité culturelle, ce cinéma était l’un des derniers témoins de la grande époque de la Main, au début du siècle, alors que s’y concentraient toutes les audaces esthétiques et les avant-gardes culturelles. « Ce coin de Montréal a toujours fait preuve d’un goût insatiable pour la fête et le spectacle », affirme André-G. Bourassa, professeur à l’UQAM, qui, avec Jean-Marc Larue, a publié Les Nuits de la Main (VLB Éditeur), un ouvrage passionnant sur les spectacles du boulevard Saint-Laurent entre 1891 et 1991.¹⁰

L’incendie du cinéma Ève (anciennement le Midway Photoplay) a également endommagé l’établissement voisin, le New Orleans (anciennement le Cristal). C’est dans ces salles et dans la centaine d’autres qui se sont succédé sur la Saint-Laurent depuis un siècle que sont nés le cinéma au Canada, le burlesque, la réalité québécoise sur la scène théâtrale, et que le théâtre yiddish et l’opéra chinois ont connu leur apogée au Canada. C’est aussi là que les night-clubs ont connu leur heure de gloire et que la version québécoise du cabaret a triomphé.¹⁰

La première projection cinématographique a eu lieu sur le boulevard Saint-Laurent en 1896, six mois après celles des frères Lumière à Paris et deux jours avant celle de New York. Le Midway-Ève s’est tourné vers le cinéma dès le tournant du siècle et s’y est largement consacré à sa réouverture en 1913, après une rénovation suite à un premier incendie. La salle a également offert une quantité incroyable de spectacles burlesques bilingues après la Première Guerre mondiale. Par la suite, la salle a présenté des spectacles de jazz, alors que ce genre de musique n’était pas du tout en odeur de sainteté dans la bonne société québécoise. Sammy Davis Jr y a même fait ses débuts canadiens.¹⁰

L’incendie du 18 juillet 1993 n’a pas seulement emporté une salle de projection : il a aussi détruit les loges, la scène et tout ce qui avait vu vivre les gens des planches depuis plus de 70 ans. Mais la destruction organisée du secteur a débuté bien avant, dans les années 1950 et 1960, avec l’élargissement du boulevard Dorchester (aujourd’hui René-Lévesque) et la construction de l’autoroute Ville-Marie. Elle se poursuit plus sournoisement, où le temps fait son œuvre.¹⁰

Les travaux de rénovation du Club Soda, situé au 1225 boulevard Saint-Laurent à Montréal, ont été réalisés en 1999-2000 sous la direction de l’architecte montréalais Luc Laporte. Le bâtiment connu sous le nom de Crystal Palace, a été transformé pour devenir une salle de spectacle moderne tout en conservant son caractère historique. La rénovation a permis de répondre aux besoins techniques et logistiques du Club Soda, qui avait fermé son précédent emplacement en raison de contraintes d’espace et d’équipement obsolète . Le nouveau design a intégré des éléments acoustiques de qualité, une capacité d’accueil de 975 personnes debout ou 530 assises, et une esthétique chaleureuse avec une palette de couleurs brun et or.¹¹

Depuis son ouverture en 2000, le nouveau Club Soda a présenté sur scène des milliers d’artistes dont Moist, Disturbed, Finger Eleven, At the Drive-In, Our Lady Peace, Norah Jones, Gwar, Sum 41, Les Cowboys Fringants, My Chemical Romance, The Killers, Papa Roach, The Hives, Patrick Watson, Karkwa, King of Leon, Loco Locass, Malajube, Bran Van 3000, Mononc Serge, Vincent Vallières, Pierre Lapointe, The Dears, Simple Plan, Klô Pelgag, Marie-Pierre Arthur, Karim Ouellet, Charlotte Cardin, Loud, Roxanne Bruneau, Grim Skunk, Groovy Aardvark, Barf et plusieurs autres!

En 2023, le label et collectif Let Artists Be annoncent sur leurs réseaux sociaux l’acquisition du Club Soda.⁵

Sources

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Club_Soda

[2] Le Club Soda fête ses 30 ans, La Presse, 4 décembre 2012

[3] Pionniers du cinéma, La Presse, 15 mai 1987

[4] Le Club Soda nouveau enfin ouvert, La Presse, 22 mars 2000

[5] Nous sommes fiers d’annoncer…, Facebook Let Artists Be, 1 juin 2023

[6] Images et Édifices de Montréal: Club Soda IMTL DOT ORG

[7] Site web officiel du Club Soda, section À Propos

[8] Les nuits de la Main, A. Bourassa, J-M Larue, 1993

[9] Le cinéma, Bibliothèque Nationale du Québec, L’Industrie du cinéma au Canada et au Québec, 1 novembre 1963, p. 53

[10] C’est la mémoire de la Main qui s’envole en fumée, Le Devoir, Stéphane Baillargeon, 22 juillet 1993

[11] Exclaim! : Club Soda

Nous avons assemblé ce texte en utilisant les sources mentionnées ci-dessus. Nous avons traduit en français les sources provenant d’articles de journaux en anglais. Les temps de conjugaison ont parfois été modifiés pour créer une cohérence du texte dans son ensemble.