L’Eldorado (1899-1901) fut le premier café-concert français de style parisien à Montréal. Il était situé au 222-224-226 rue Cadieux, à deux pas de la rue Sainte-Catherine.
L’Eldorado Café Concert était une élégante bonbonnière de 500 places avec une petite tablette devant chaque siège permettant de prendre une consommation à l’instar des grands concerts parisiens.1
Ce texte est assemblé à partir d’archives de journaux
L’Eldorado a ouvert ses portes au public le 16 mars 1899 et a débuté en triomphe. La veille, la direction de ce nouvel établissement avait convié leurs nombreux amis à l’inauguration de la nouvelle salle. Un intéressant programme avait été exécuté par les artistes parisiens engagés par le propriétaire, M. Alexandre Boiron.2,3,4
Le théâtre était fort bien aménagé. Le premier étage était disposé en amphithéâtre et à la première galerie se trouvaient une série de loges à la suite desquelles étaient disposées des bancs fauteuils très confortables. L’éclairage fourni par la Compagnie Impériale Électrique faisait bien ressortir les peintures et les frais décors tant sur la scène que dans la salle. Les sièges étaient disposés de telle façon que le spectateur n’avait pas à redouter l’interposition malséante d’un chapeau féminin lui masquant la vue. Le spectateur avait l’avantage de se faire servir, sans dérangements, des consommations de premier choix. On n’avait pas souvent, pour un prix aussi minime et avec pareil confort, une aussi excellente soirée.1,2,5,6
Tous les soirs, un public des plus sélect envahissait la coquette petite salle de la rue Cadieux et à 20h30, la salle était comble et les retardataires étaient obligés de se tenir debout, ce qui ne les empêchait pas, malgré la fatigue, d’applaudir frénétiquement les numéros attrayants du programme qui défilaient devant leurs yeux.7
Quatre mois après son ouverture, il n’y avait pas un Montréalais qui ne connaissait pas le chemin qui conduisait à l’Eldorado. Mais ça n’a pas été chose facile que de secouer l’apathie des foules, attirer le public, le retenir, et lui inculquer le goût des productions lyriques françaises; pour en arriver là, que d’énergie déployée, que de difficultés surmontées, que de travaux, que de peines!8
Malgré tout, certains gens n’ont pas voulu aller à l’Eldorado croyant que c’était un lieu de perdition. Cela était faux. L’Eldorado était un théâtre comme les autres et plus moral que certaines scènes anglaises fort à la mode à l’époque. À l’Eldorado, c’était la romance française, l’esprit parisien, avec ses facéties et son sel piquant. Tandis que chez les autres, c’était souvent que de grossières expositions plastiques. On reprochait à l’Eldorado d’avoir été un peu trop loin au fond de la salière parisienne. Possible, mais on pouvait dire que le côté moral de toutes choses était absolument respecté, non seulement dans la facture et l’interprétation des programmes mais aussi dans les rouages intimes des coulisses. Dans les commencements, l’Eldorado fut à vrai dire un café-concert et ce n’est que qu’à partir du 1er octobre 1900 qu’on commença à y donner de l’opérette. Il y a eu transformation. Le programme n’était plus essentiellement café-concert, il était devenu théâtral.9
Les artistes y chantaient beaucoup, l’assistance y fumait davantage et buvait un peu. L’Eldorado connut des soirées bruyantes, pour ne pas dire tumultueuses.10
Aidés d’un personnel consciencieux et dévoué, entourés d’une pléiade d’artistes d’élite, M. Boiron a pu placer l’Eldorado au premier rang des lieux d’amusement de Montréal.8,9
Un incendie s’est déclaré au deuxième balcon de l’Eldorado le 17 décembre 1900.11
En 1901, l’Eldorado est vendu à La Cie d’Opéra Comique de Montréal.12
Il y avait à Montréal, autrefois, une rue Cadieux. Elle jouissait d’une réputation quelque peu spéciale. Lorsque l’actrice américaine Mae West a entrepris d’écrire une pièce de théâtre mettant en scène le monde de la prostitution en 1926, c’est à Montréal, plus précisément dans la rue ‘’Caidoux’’, qu’elle a décidé de la camper. Et ce n’était pas un hasard. La rue Caidoux faisait en fait référence à la rue Cadieux, comme s’appelait à l’époque la rue De Bullion, dans le Red Light de Montréal. La population qui l’habitait et les passants qui y faisaient leur promenade, lui avaient conféré un cachet tout à fait particulier. Après que Mae West eut été arrêtée à broadway à cause du contenu lubrique de cette pièce, qui s’intitulait d’ailleurs Sex, la Ville de Montréal décida de changer le nom de la rue pour De Bullion en 1927. Au siècle dernier, presque chaque porte de la rue De Bullion abritait un bordel. On en trouvait au moins 26 au sud de la rue Sainte-Catherine et au moins autant, sinon plus, au nord.16,17
Rue De Bullion (autrefois la rue Cadieux jusqu’en 1927)
Localisation du Eldorado Café-Concert, Théâtre de l’Opéra Comique, Théâtre des Nouveautés
Google Earth, 2024
Localisation du Eldorado Café-Concert, Théâtre de l’Opéra Comique, Théâtre des Nouveautés
[2] L’Eldorado inauguration d’un café-concert de luxe à Montréal, La Minerve, 16 mars 1899
[3] Mort d’un artiste dramatique connu, La Presse, 24 avril 1924
[4] Propos de la table, Le Passe-Temps, 1949, v.55, no 922
[5] Le Passe-Temps, v.55, no 922, 1949
[6] L’Eldorado inauguration d’un café-concert de luxe à Montréal, La Minerve, 16 mars 1899
[7] Chronique des théâtres, Le Samedi, 31 mars 1900
[8] Eldorado, Le Samedi, 29 juillet 1899
[9] Nos scènes françaises: l’Eldorado, Les Débats, 16 décembre 1900
[10] Sur la scène de l’actualité, La Presse, 16 décembre 1927
[11] Le feu à l’Eldorado, Le Journal, 18 décembre 1900
[12] La construction, La Prix Courant, 6 septembre 1901
[13] Montréal aura un opéra comique, Les Débats, 26 mai 1901
[14] A new French theatre to be opened in the city, The Montreal Daily Star, 22 janvier 1902
[15] Deux incendies considérables rue Sainte-Catherine samedi soir, Le Canada, 5 janvier 1920
[16] Le Franc-Parleur, 30 juillet 1936
[17] Petite histoire des maisons de passe, Le Devoir, Caroline Montpetit, 19 juin 2014
Nous avons compilé ce texte en utilisant les sources mentionnées ci-dessus. Les extraits sont reproduits tels quels avec modifications mineures par souci de cohésion. Nous avons traduit en français les sources provenant d’articles de journaux en anglais.