L’Évêché — Hôtel Nelson (Montréal)
Boîte à chansons et club intimiste situé au 425, place Jacques-Cartier (Vieux-Montréal), actif de 1971 à 1982. Inauguré par le spectacle Law and Order de Raymond Lévesque (19 novembre 1971), le lieu a lancé et accueilli de nombreux artistes phares de la chanson, du folk, du rock et de la première vague punk, tout en jouant un rôle déterminant dans la vitalité nocturne de la place Jacques-Cartier. [2], [3], [4]
1. Présentation
À une époque où Montréal offre peu de débouchés aux artistes débutants, L’Évêché devient un tremplin vital pour la relève et une adresse incontournable pour le public curieux. Sa salle à taille humaine — « bourrée à croquer d’intimité » — favorise la proximité scène-salle, l’émergence de nouvelles écritures et des premières apparitions marquantes. [2], [5]
2. Contexte & histoire
L’édifice de l’Hôtel Nelson (1865) abrite d’abord commerces et l’Hôtel Jacques-Cartier, brièvement nommé Hôtel Roy (années 1920), puis redevenu Jacques-Cartier (1927, sous Philias-Arthur Benoît). La famille Benoît adopte le nom Hôtel Nelson en 1941. [1], [2]
En 1971, annexion d’une maison attenante et transformation en boîte à spectacle. Ouverture de L’Évêché le 19 novembre 1971 avec Law and Order de Raymond Lévesque — dont le prénom inspire le nom de la salle. Capacité ~200–300. [2], [3], [4]
Dès 1972, la cour de l’hôtel accueille des jeunes artistes l’été; Lévesque leur ouvre ensuite les portes de la salle pour la saison d’hiver. [5]
À partir de 1973, Francine Loyer pilote programmation et promotion; ses liens avec Offenbach, André Perry, Claude Jutra, Leonard Cohen, Lewis Furey irriguent la vie du lieu. [7], [8]
Vers 1975, Wilma Ghezzi prend le relais de la programmation; la salle devient un « deuxième chez-soi » pour les stars québécoises de la pop/rock. [10]
En 1978, changement de formule envisagé (pression financière); l’hôtel expérimente un mode « dancing » les vendredis/samedis. [13]
Au tournant des années 1980, reprise sous le nom Transit (rénovations ~50 000 $, salle intermédiaire 300 places); la salle de L’Évêché demeure condamnée en attente de jours meilleurs. Puis brève appellation Auberge Amicale et bascule du secteur vers l’hébergement, la restauration et le tourisme. [20], [2]
3. Programmation & lignes artistiques
La salle accueille des premières et résidences d’artistes émergents (chanson/folk/rock), ainsi que des premières québécoises d’artistes français. L’atmosphère intimiste, parfois enfumée, soutient des concerts où s’expérimentent de nouveaux répertoires. [1], [2]
- Relève locale : Édith Butler, Renée Claude, Lewis Furey, Pauline Julien, Plume Latraverse, Beau Dommage, Serge Mondor. [1]
- Invités français : Francis Cabrel, Gilbert Montagné, Geneviève Paris (premières au Québec). [1]
- Coup d’éclat : Annulation d’Harmonium (1974) → Beau Dommage remplace au pied levé; engouement immédiat, file d’attente le lendemain; groupe propulsé. [9], [19]
- Lou Reed (7 mai 1978) — concert en club, réception critique contrastée, présence de figures de la scène montréalaise. [11], [12]
Le lieu subit cependant des descentes policières (dès 1974) liées à la consommation de substances, ce qui ternit progressivement son exploitation culturelle. [2]
4. Artistes associés (sélection)
- Édith Butler • Renée Claude • Pauline Julien • Plume Latraverse • Serge Mondor
- Lewis Furey • Beau Dommage • Harmonium (annulé, 1974) • Offenbach (liens)
- Francis Cabrel • Gilbert Montagné • Geneviève Paris (premières en sol québécois)
- Lou Reed (7 mai 1978)
5. Punk & Nelson Grill (lounge)
À partir de 1976 env., le lounge du Nelson Grill (plus petit que L’Évêché) devient un foyer punk de première vague. Spike (John von Aichinger) y programme trois soirs/semaine et « nettoie » l’ancienne clientèle pour installer la nouvelle scène. [14], [2]
- The Vibrators (UK) — incident avec la Guilde des musiciens (1977) ; position publique de Wilma Ghezzi. [10]
- UK Subs, Anti-Nowhere League (UK), The Screamers (US) — passages notables. [2]
- The Normals (MTL) — enregistrement live sur cassette à l’Hôtel Nelson (24 nov. 1978), redécouvert et diffusé des décennies plus tard. [2]
Malgré l’effervescence, l’accumulation de descentes policières et la concurrence des nouvelles artères nocturnes (Crescent, Sainte-Catherine, Saint-Laurent) fragilisent la salle. [2]
6. Chronologie rapide
- 1865 — Construction de l’édifice; Hôtel Jacques-Cartier (puis Hôtel Roy, puis à nouveau Jacques-Cartier). [1]
- 1941 — L’établissement devient Hôtel Nelson. [2]
- 19 nov. 1971 — Inauguration de L’Évêché (spectacle de Raymond Lévesque). [2], [4]
- 1972 — Jeunes artistes en cour d’hôtel l’été; ouverture hivernale à la relève. [5]
- 1973 — Francine Loyer prend la programmation/communication. [7], [8]
- 1974 — Harmonium annule; Beau Dommage remplace et perce. [9], [19]
- 1975 — Wilma Ghezzi à la programmation; revue Tout Chaud (débuts de Marjo). [10], [15]–[18]
- 1976–1978 — Scène punk au Nelson Grill (Spike); Lou Reed (7 mai 1978). [14], [11], [12]
- 1978 — Changement de formule envisagé (dancing). [13]
- 1980 — Réouverture partielle sous Transit (rénovations ~50 000 $). [20]
- 1982 — Fin de l’ère L’Évêché; bascule progressive vers restauration/hébergement/tourisme. [2]
7. Notes & sources
- « journal de montreal /2017 / 12 / 16 / a lhotel-nelson » (historique noms; contexte hôtelier).
- Maude Bouchard Dupont, « Sortir dans le Vieux-Montréal des années 1970 », Mémoires des Montréalais (adresse 425, dates 1971–1982; origine du nom; capacité; punk; descentes; évolution du quartier).
- L’Hôtel Nelson, Montréal-Matin, 28 déc. 1971 (agrandissement; création de la salle).
- « Nouveauté à l’Hôtel Nelson : L’Évêché », Le Polyscope, 30 nov. 1971 (inauguration; capacité; esprit du lieu).
- « Diane Dufresne ne part pas… », La Presse, 19 oct. 1972 (cour d’hôtel; tremplin hivernal).
- « La punk-rock-folk-disco… », Québec-Rock, juin 1979 (jeunesse, esthétiques mêlées).
- « O’National : nouvelle salle de spectacles », La Presse, 2 déc. 1976 (Francine Loyer; réseaux).
- « Avant de m’en aller », La Presse, 23 avr. 1993 (Francine Loyer; parcours; liens Offenbach/Perry/Furey).
- « Un beau d’hommage », La Presse, 17 mai 2005 (Beau Dommage; bascule 1974).
- « Rebellion in the ranks of the guild », The Montreal Star, 17 déc. 1977 (Wilma Ghezzi; cas The Vibrators).
- « Lou Reed, plutôt les mets chinois que l’héroïne », Québec-Rock, juin 1978.
- Nathalie Petrowski, « Lou Reed, affreux sale et méchant », Le Devoir, 9 mai 1978.
- « L’Évêché changera de formule », Montréal-Matin, 19 mai 1978 (virage dancing; économie).
- Alan Lord, High friends in low places, p. 22 (Spike / John von Aichinger; rôle fondateur du Nelson Grill).
- « Tout Chaud, un show qui monte à la tête », La Presse, 15 janv. 1976.
- « Hybride et québécois », La Presse, 27 mars 2010 (Marjo; débuts).
- « Marjo, de l’énergie à revendre », Le Nouvelliste, 27 mai 1995.
- Marjolène Morin, Québec Rock, juin 1980 (témoignage).
- Robert Thérien, Beau Dommage, Tellement on s’aimait, p. 44 (soirée décisive 1974).
- « Le Transit prend la relève du Nelson », Le Devoir, 23 sept. 1980 (rénovation; nouvelle salle; direction).




















